Confirmer avec un pinceau ?



Publié le 30/12/2022 sur internet
Publié dans le N°658 de la publication papier du Courrier de Rome



Pendant la pandémie de covid-19, certains évêques ont cru bien faire, pour freiner la propagation du virus, en administrant le sacrement de confirmation avec un pinceau, au lieu d’oindre le front directement avec leur pouce. Par exemple, sur le site du diocèse de Rouen, une grande photographie montre Mgr Dominique Lebrun, l’archevêque, faisant l’onction du saint chrême sur le front d’un adulte à l’aide d’un pinceau. Le pouce de l’archevêque ne touche pas le front du confirmé. Il faut donc se demander : le sacrement de confirmation est-il valide quand l’onction du saint-chrême est faite non directement avec la main du ministre, mais au moyen d’un instrument comme le pinceau ?
Deux questions se posent. La première : L’imposition des mains est-elle une partie essentielle du sacrement de la confirmation, en sorte que si elle manque, le sacrement est invalide ? La seconde : Si l’onction du saintchrême est faite avec un pinceau, cette onction contient-elle l’imposition des mains ?
1. L’imposition des mains est-elle une partie essentielle du sacrement de la confirmation ?
Il est écrit dans les Actes des apôtres (VIII, 14-17) : « Quand les apôtres, qui étaient à Jérusalem, eurent appris que les habitants de Samarie avaient reçu la parole de Dieu, ils leur envoyèrent Pierre et Jean, qui, étant venus, prièrent pour eux, afin qu’ils reçussent l’Esprit-Saint : car il n’était encore descendu sur aucun d’eux, mais ils avaient seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors ils leur imposaient les mains, et ils recevaient l’Esprit-Saint ».
L’abbé Fillion, dans son célèbre commentaire de la Bible, écrit :« Depuis le 3e siècle au moins, ces quatre versets sont regardés comme un locusclassicus pour démontrer l’existence du sacrement de confirmation, qu’ils représentent certainement ».
Tous les documents du Magistère de l’Église, s’appuyant sur le passage des Actes cité ci-dessus, enseignent que la confirmation requiert l’imposition des mains qui elle-même se fait dans l’acte même de l’onction. Par exemple, le pape Innocent III écrit en 1204 à un archevêque de Bulgarie : « Par chrismation du front on désigne l’imposition des mains qui porte également le nom de confirmation, parce que par elle l’Esprit Saint est donné » .
Le 1er concile de Lyon, en 1245, enseigne que l’Esprit Saint est conféré « par l’imposition des mains que représente la confirmation ou la chrismation du front » . Trente ans plus tard, le 2e concile de Lyondonne le même enseignement : il mentionne le sacrement de confirmation « que les évêques confèrent par l’imposition des mains en oignant les baptisés » .
Précisons que ces documents du Magistère s’adressent tant aux catholiques latins qu’aux orientaux unis à Rome.
Nous avons donc la réponse à la première question : l’imposition des mains est essentielle à la confirmation, en sorte que, si elle manque, le sacrement est certainement invalide.
2. L’onction faite avec un pinceau contient-elle l’imposition des mains ?
Dans sa Théologie morale, saint Alphonse de Liguori envisage le cas d’une confirmation administrée avec un instrument. Il mentionne deux théologiens obscurs qui admettent cette possibilité, puis la rejette comme improbable au motif suivant :« Il manquerait alors l’imposition immédiate de la main du ministre, qui est absolument requise. Cette imposition médiate est improprement appelée imposition » .
Le Père Cappello, dans son Traité des sacrements, enseigne aussi que l’onction doit être faite par la main du ministre, sans instrument, et il ajoute que cette exigence « relève de l’essence du sacrement » .
Dans le même sens, il est écrit dans le Dictionnaire de droit canonique, à l’article Confirmation : « L’onction doit être directe, c’est-à-dire exécutée par le contact immédiat de la main de l’évêque sur le front de celui qui reçoit le sacrement. Au sentiment des canonistes, le sacrement serait probablement invalide si le ministre du sacrement utilisait pour oindre un instrument, comme un pinceau ou un linge, car dans ces cas, l’imposition des mains ne pourrait pas être exécutée » .
À l’appui de cette affirmation, l’argument principal est l’autorité du Magistère de l’Église. Au 19e siècle, la congrégation du Saint-Office a été consultée sur le doute suivant : un enfant a été confirmé par un prêtre oriental schismatique. Converti au catholicisme, faut-il le reconfirmer ?
Le Saint-Office répondit le 14 janvier 1885 : « Il n’est pas nécessaire que celui qui a été ainsi confirmé soit oint à nouveau par l’évêque, sauf si :
• il doit recevoir le sacrement de l’ordre
• ou bien ses parents le demandent
• ou bien après enquête, on s’aperçoit que le sacrement lui a été administré avec un pinceau.
Dans ces trois cas, que le sacrement de confirmation lui soit administré en secret et sous condition » .
Il apparaît donc dans cette réponse que si l’onction du saint chrême a été faite avec un instrument, le Saint-Siège le juge douteusement valide. Pourquoi ? Certainement du fait que l’imposition des mains, nécessaire à la validité, est douteusement présente.C’est pourquoi il est dit au canon 781 §2 du Code de 1917 :« L’onction ne se fera pas avec un instrument, mais avec la main du ministre dûment imposée sur la tête du confirmand ».
Il faut regretter que le Code de 1983 n’ait pas repris cette consigne. Néanmoins, les évêques actuels, pour lesquels ce Code de 1983 est le seul valable, ne peuvent pas s’appuyer sur les réformes post-conciliairespour justifier l’usage d’un instrument. En effet, on lit dans les Acta Apostolicae Sedis du 31 juillet 1972, page 526, un document de la Commission pontificale pour l’interprétation des décrets du 2e concile du Vatican. La question est la suivante :« Le ministre de la confirmation doit-il, conformément à la Constitution apostolique DivinaeConsortium Naturae du 15 août 1971, imposer la main sur la tête du confirmand pendant qu’il accomplit le geste de la chrismation, ou la chrismation faite avec le pouce suffit-elle ?
Réponse : À la première question : non ; à la seconde : oui, en ce sens que la chrismation ainsi faite exprime suffisamment l’imposition de la main. »
Les Notitiae(commentaire officiel) font suivre ce texte de la réflexion suivante :« Paul VI s’est efforcé de suivre très exactement les documents antérieurs qu’il cite, notamment Innocent IV et le Concile de Florence. Or, ces documents ont voulu marquer la continuité entre l’usage apostolique et l’usage actuel : c’est la signation avec le St Chrême qui succède à l’ancienne imposition des mains ; elle constitue en elle-même l’imposition des mains parce qu’elle est un contact de la main avec la tête du néophyte » .
Cette position est traditionnelle. Il est écrit en effet dans l’excellente revue L’ami du Clergédu 21 septembre 1922 :« Tous les auteurs sont désormais d’accord pour dire que l’imposition des mains requises est celle qui se fait par cela seul que le ministre du sacrement touche immédiatement avec son pouce le front du confirmé, en y traçant le signe de la croix avec le saint chrême. Il suffit de se reporter au Pontifical pour se rendre compte que, en dehors de l’imposition des mains du commencement de la cérémonie sur tous ceux qui doivent être confirmés, il n’y en a pas d’autre prescrite que celle qui est inhérente à la chrismation ».
On pourrait objecter que, au Moyen-Age, les évêques employaient assez facilement un pinceau, et que plusieurs communautés chrétiennes orientales séparées de Rome administrent encore aujourd’hui la confirmation avec un pinceau.
Il faut répondre que, certes, la pratique de l’Église est un argument de poids en théologie sacramentelle. Cependant,une pratique qui n’a pas duré est de peu de poids. Quant à la pratique des schismatiques, elle n’est pas un argument.Or le canoniste Naz écrit : « Les prêtres orientaux font parfois les onctions de la confirmation au moyen d’un instrument ; les catholiques ont toutefois abandonné cet usage » .
Lisons maintenant l’article Confirmation du Dictionnaire de théologie catholique. L’auteur étudie les différences entre le rite latin et les rites orientaux entre le 7e et le 12e siècle. Il remarque :« Grecs et Latins ne différaient en rien dans la doctrine concernant la matière adéquate du sacrement. (…) La confirmation consistait essentiellement dans la chrismation jointe à l’imposition des mains ».Et plus loin, il écrit :« L’onction doit être faite par contact immédiat de la main de l’évêque qui confirme sur le front de celui qui est confirmé, sans le concours d’aucun instrument intermédiaire, comme pinceau, linge, éponge, etc. L’emploi d’un instrument quelconque serait cause que l’impositio manus episcopalis, qui est essentielle, ne serait pas assez réalisée, et le sacrement serait probablement invalide. On ne pourrait objecter que l’extrême-onction est validement conférée par l’emploi d’un moyen de ce genre, car, dans l’administration de ce sacrement, l’imposition des mains n’est pas exigée au même titre que pour la confirmation » .
Nous sommes donc en présence d’une imposition des mains sui generis, d’un genre très spécial, bien différente de celle qui est requise par exemple pour l’administration du sacrement de l’ordre. Elle se réduit au simple contact corporel entre la main du ministre et le front du confirmé. Il s’agit d’un vestige de l’ancienne imposition des mains décrite dans les Actes des apôtres.
Il faut donc répondre à la seconde question : il n’est pas certain que l’onction faite avec un pinceau contienne l’imposition des mains.Le contraire semble même plus probable. La main de l’évêque doit toucher le front du sujet sans intermédiaire.
Conclusion
Le sacrement de confirmation est probablementinvalide si l’onction du saint-chrême est faite avec un instrument. Nous invitons donc les fidèles qui auraient reçu la confirmation de cette manière à aller trouver un évêque traditionnel qui leur administre le sacrement d’une façon certainement valide.

Abbé Bernard de Lacoste

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