1. Le 4 novembre dernier le cardinal Victor Manuel Fernandez, en sa qualité de Préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, a rendu publique une « Note doctrinale sur certains titres mariaux qui se réfèrent à la coopération de Marie à l’œuvre du salut ». Intitulée Mater populi fidelis, cette Note a été élaborée lors de la session ordinaire du Dicastère, le 26 mars 2025, et le Pape Léon XIV en a ordonné la publication le 7 octobre suivant.
2. L’objet de ce document est indiqué au n° 3 : il s’agit d’abord d’une question de mots à employer : quelles sont les expressions les mieux adaptées pour formuler avec exactitude le rôle que la Sainte Vierge joue dans l’économie du salut, en particulier le rôle qui l’associe à l’œuvre rédemptrice du Christ ? Ces expressions sont en effet des titres que l’on doit attribuer à la sainte Vierge. Quels sont parmi ceux que la dévotion a utilisés jusqu’ici ceux que l’on doit retenir et quels sont ceux qu’il convient d’éviter ou même d’abandonner dans la mesure où ils ne rendent pas, de la réalité du mystère de Marie, un compte suffisamment exact ou du moins suffisamment dénué d’équivoques ? C’est ainsi que « le présent document cherche à préserver l’équilibre nécessaire qui doit s’établir, dans les mystères chrétiens, entre l’unique médiation du Christ et la coopération de Marie à l’œuvre du salut, et il entend montrer aussi comment celle-ci s’exprime dans divers titres mariaux ».
3. Derrière cette question des mots se pose donc une autre question plus fondamentale, qui est la question de la réalité : la réalité du mystère de Marie. Car le mot est là pour désigner la chose, ou plus exactement pour en signifier la définition. Et si la chose n’existe pas, il est clair que non seulement le mot n’a plus de raison d’être, mais qu’aussi son usage en deviendrait trompeur et nuisible. Si le mystère de Marie n’est pas ce que l’on a cru jusqu’ici, les mots utilisés pour le dire jusqu’ici sont inutiles et dangereux. Nous avons là un rapport de cause à effet, avec ceci de particulier que la cause est ici seulement présupposée, à titre d’hypothèse à vérifier. Les logiciens désignent ce type de rapport comme une « conséquence ». Il y a là la nécessité du lien logique qui existe entre la cause qui joue le rôle d’une condition (ou d’un antécédent) et l’effet qui en dépend (et qui joue le rôle d’un conséquent). Cette conséquence est déjà manifeste par elle-même. Et c’est précisément la vérité de son antécédent qui est d’abord vérifiée et affirmée par la Note doctrinale du Dicastère pour la doctrine de la foi, pour pouvoir ensuite affirmer la vérité de son conséquent. Le mystère de Marie, nous dit-on, n’est pas celui d’une créature qui concourrait avec le Christ à l’œuvre du rachat de toute l’humanité et ce n’est pas non plus celui d’une créature qui concourrait avec le Christ à distribuer à toute l’humanité les grâces méritées par ce rachat. Par conséquent, il est inutile et dangereux de nommer Marie « corédemptrice » et « médiatrice de toutes grâces ». Telle est, en substance, l’architecture de Mater populi fidelis, un texte rigoureusement construit en parfaite logique.
4. Pour en mesurer toute la portée, il convient donc d’envisager la double réponse que l’on doit apporter à cette double question, et de l’envisager surtout dans l’ordre requis. Quelle est, d’après les données de la Révélation divine, la définition exacte du mystère particulier de Marie, dans le cadre du mystère général de la Rédemption ? Quels sont les mots appropriés que le Magistère de l’Eglise entend utiliser pour désigner ce mystère, tel que Dieu l’a révélé, et le proposer à la foi des fidèles ?
Abbé Jean-Michel Gleize