- Lors de l’homélie qu’il prononça à l’occasion du jubilé de ses soixante ans de sacerdoce, près de Paris au Bourget, devant près de 23 000 fidèles, Mgr Lefebvre fit mention de :
« La prière d’oblation de l’hostie que le prêtre récite tous les jours au saint Autel. »
Belle prière, dont il souligna toute l’importance, puisqu’elle indique la nature exacte du saint sacrifice de la messe et aussi la nature exacte du sacerdoce, en raison duquel celui qui est consacré prêtre est tout entier voué à la célébration de ce sacrifice.
« Recevez, Père très Saint, Dieu éternel et tout-puissant, cette hostie immaculée que je vous offre, bien indigne serviteur, à vous mon Dieu, vivant et véritable pour mes innombrables péchés, offenses et négligences, pour tous ceux qui sont ici présents, pour les fidèles chrétiens vivants et morts, que cette oblation serve à mon salut et au leur, pour la vie éternelle. Ainsi soit-il. »
- La messe est un sacrifice propitiatoire, c’est-à-dire l’offrande du Corps et du Sang de Jésus Christ, immolé pour le rachat des âmes des fidèles vivants et morts. Comme tout sacrement, la messe est d’abord un signe : elle cause ce qu’elle signifie, dans la mesure exacte où elle le signifie.
Or, cette nature profonde de la messe, qui est le sacrement de l’unique sacrifice rédempteur accompli par le Verbe Incarné, est beaucoup plus clairement signifiée par les prières de l’offertoire que par les paroles de la consécration. C’est pourquoi l’on a pu dire que :
« Dans ses caractéristiques spécifiques, l’offertoire de la messe de saint Pie V a toujours constitué un des principaux éléments pour distinguer la messe catholique de la cène protestante. »
- Redisons ces évidences. C’est précisément en tant qu’elle est explicitement déclarée comme l’offrande de l’immolation du Christ, faite à la Trinité Sainte, que la messe apparaît pour ce qu’elle est, c’est-à-dire à la fois pour ce qu’elle signifie et ce qu’elle cause.
Les paroles de la double consécration expriment certes l’immolation que Jésus-Christ fait de Lui-même. Celle-ci est alors réalisée d’une manière mystérieuse, qui est la manière propre au sacrement.
« Les paroles de la forme signifient ce qu’elles causent et causent ce qu’elles signifient, c’est-à-dire la présence réelle sacramentelle et du Corps et du Sang du Christ. »
L’immolation est réalisée, elle aussi, selon ce mode sacramentel, du fait que la consécration est double et que le pain est transsubstantié au Corps du Christ séparément de la transsubstantiation du vin au Sang du Christ. Cela est, en toute réalité, dans la mesure où cela est signifié.
Enfin, le Christ ainsi sacramentellement immolé, du fait de la séparation sacramentelle de son Corps et de son Sang, est offert à la Trinité Sainte, en victime de propitiation. Cependant, cette offrande n’est pas exprimée en ce moment du rite, qui est celui de la prononciation des paroles de la consécration.
Voilà pourquoi il est nécessaire qu’une autre partie du rite soit consacrée à exprimer ce qui ne l’est pas au moment de la consécration, à savoir ce fait de l’offrande du Christ immolé. Et c’est précisément le rôle de l’offertoire de donner cette expression distincte.
- Tout cela est d’une importance extrême, et a d’ailleurs été clairement reconnu par les protestants, comme l’on peut s’en rendre compte à partir de l’ouvrage du pasteur luthérien Luther D. Reed :
« La prière centrale de l’offertoire Suscipe sancte Pater est une parfaite exposition de la doctrine catholique romaine sur le sacrifice de la messe. Tous les réformateurs rejetèrent l’offertoire romain et son idée d’une offrande pour les péchés faite par le prêtre, au lieu d’une offrande de reconnaissance faite par le peuple. Luther […] appelait l’offertoire romain une abomination où l’on entend et sent partout l’oblation. »
- Voilà pourquoi la suppression de ces prières de l’offertoire, dans le Novus Ordo du Pape Paul VI, est si lourde de conséquences.
« Sans ces prières de l’offertoire, les paroles de la consécration ne sont plus les mêmes, car leur signification profonde n’est plus suffisamment explicitée par le rite. »
- Cette suppression de l’offertoire est l’une des nombreuses raisons mises en lumière et avancées par le Bref examen critique du Novus Ordo Missae pour conclure que :
« Le nouveau rite s’éloigne de manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe, telle qu’elle a été formulée à la XXe session du Concile de Trente. »
- Le refus de principe du Novus Ordo Missae de Paul VI s’impose logiquement à la suite de ce constat. Ceux qui voudraient refuser catégoriquement à la Fraternité Saint Pie X le droit ou le devoir légitime d’un tel refus se devraient, en conséquence, de commencer par argumenter pour établir tout aussi catégoriquement que les raisons avancées par le Bref examen critique ne suffisent pas à motiver la conclusion signalée.
- Or, cette réfutation n’apparaît quasiment jamais sous la plume et dans la bouche de ceux qui contestent à la Fraternité Saint Pie X (et parfois avec une sévérité extrême) le bien-fondé de son attitude. Une telle contestation entend se motiver de façon pratiquement exclusive par le recours à un argument d’autorité.
« Certes, oui, l’autorité suprême dans l’Église ne saurait imposer un rite intrinsèquement mauvais, du fait même qu’il s’éloigne de manière impressionnante de la définition catholique de la messe et occasionne une diminution grave, voire une perte généralisée, de la foi. »
Mais il y a là un principe d’ordre général, qui doit se vérifier au milieu de circonstances variables. Peut-on l’appliquer tel quel dans le contexte des réformes entreprises lors du concile Vatican II et après ?
- Ce que l’on serait en droit d’attendre de ceux qui entendent refuser à la Fraternité Saint Pie X la légitimité de sa position, c’est une étude approfondie du Bref examen critique. L’obéissance à une réforme liturgique doit être réglée par la foi.
« Le refus ou même la simple négligence de cette vérification ne peut que rendre irrationnelle, et à tout le moins dépourvue de crédibilité, toute démarche entreprise pour dénoncer l’attitude de Mgr Lefebvre et de la Fraternité par lui fondée. »
Abbé Jean-Michel Gleize