Peut-on utiliser en toute sûreté de conscience les hosties « appauvries en gluten » désormais proposées à la vente par les fabricants d’hosties ? Le contexte de cette question, importante du point de vue de la validité des sacrements, provient de quatre données convergentes.
« Hypersensibilité » à certains composants du pain
La première donnée est que le pain de froment, seule matière valide pour la sainte Eucharistie, comporte du gluten.
La deuxième donnée est le fait qu’on rencontre aujourd’hui des personnes « hypersensibles » à certains composants du pain, dont le gluten. Or, si ces personnes sont catholiques, elles vont très légitiment vouloir communier, et normalement sous l’espèce du pain.
Ces personnes « hypersensibles » à certains composants du pain peuvent être rangées (de façon un peu simpliste, mais pertinente) dans deux catégories distinctes.
D’une part, certaines personnes sont atteintes de ce qui est nommé scientifiquement « maladie cœliaque » (nous les appellerons dans la suite de ce texte les « malades cœliaques »), qui est une intolérance au gluten. Pour ces malades cœliaques, la consommation de gluten, même en très petite quantité, entraîne un risque de troubles médicaux graves, voire un péril de mort en cas d’ingestions répétées.
Il faut noter que le cas des malades cœliaques ne se présentait pas vraiment dans le passé pour la pratique sacramentelle, car l’ignorance des mécanismes de l’intolérance entraînait ordinairement la mort des malades cœliaques dès leur enfance. Mais, en raison des progrès scientifiques, la médecine est désormais capable de faire face à cette maladie, au moins dans une certaine mesure. Ces malades cœliaques restent donc vivants, ce qui est un heureux progrès, mais pose, en revanche, des problèmes pour leur alimentation, notamment pour leurs communions s’ils sont catholiques.
D’autre part, certaines personnes digèrent mal les produits à base de blé, sans qu’il s’agisse d’une intolérance au sens propre, et sans que le gluten n’intervienne spécifiquement. L’ingestion d’aliments à base de blé produit chez ces personnes des troubles digestifs, même si cela n’entraîne pas de lésions intestinales importantes, et même si cela ne met pas leur vie en danger. Pour ces personnes, la communion avec une hostie ordinaire, étant donné la très faible quantité de pain ingérée, n’est pas vraiment susceptible de déclencher ces troubles digestifs. Elles ne sont donc pas réellement concernées par la question des hosties « appauvries en gluten ».
Nous nous intéresserons ici prioritairement aux malades cœliaques, pour lesquels une simple communion est susceptible à elle seule d’entraîner des troubles médicaux plus ou moins graves.
Les prescriptions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
La troisième donnée est que, depuis quelques années, des personnes affirment avoir réussi à confectionner un pain de froment, un véritable pain de blé (qui serait donc une matière valide de l’Eucharistie), mais suffisamment appauvri en gluten pour être consommé sans danger par les personnes « hypersensibles » à certains composants du pain.
La quatrième donnée est que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi [1], sous la direction de celui qui était encore le cardinal Ratzinger, a par deux fois traité spécifiquement cette question, à cause de la survie désormais habituelle des malades cœliaques, ainsi que des techniques mises récemment au point pour produire du pain (et notamment du pain eucharistique) prétendu « appauvri en gluten ».
La Congrégation pour la Doctrine de la Foi est intervenue une première fois par une lettre du 19 juin 1995 adressée à tous les Présidents des Conférences épiscopales. Elle y affirme : « Les hosties spéciales quibus glutinum ablatum est [auxquelles a été enlevé le gluten] sont une matière invalide. Elles sont en revanche une matière valide si elles contiennent la quantité de gluten suffisante pour obtenir la panification, et si on n’y a pas ajouté des matières étrangères, étant entendu que le procédé utilisé pour leur confection ne soit pas à même de dénaturer la substance du pain ».
Elle est intervenue une seconde fois par une lettre du 24 juillet 2003 adressée de nouveau aux Présidents des Conférences épiscopales. Elle y affirme : « Les hosties totalement privées de gluten sont une matière invalide pour la célébration de l’Eucharistie. Sont, par contre, matière valide, les hosties partiellement privées de gluten et celles qui contiennent la quantité de gluten suffisante pour obtenir la panification, sans que l’on y ajoute des matières étrangères, et qui n’ont pas été confectionnées selon des procédés susceptibles de dénaturer la substance du pain ».
Par ailleurs, la Congrégation pour le Culte divin, sous la direction du cardinal Sarah, par une lettre du 15 juin 2017 adressée à tous les évêques, a rappelé et confirmé ces dispositions.
Résumé des prescriptions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
Les prescriptions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi concernant la confection d’un pain eucharistique appauvri en gluten peuvent être résumées de la manière suivante.
Une hostie totalement dépourvue de gluten constitue une matière invalide.
En revanche, une hostie seulement « appauvrie » en gluten constitue une matière valide. Cela requiert les conditions suivantes. D’abord, elle doit contenir une certaine quantité, une quantité minimale de gluten. Cette quantité n’est pas précisée, mais elle doit être suffisante pour obtenir la panification. De plus, il est interdit d’ajouter des matières étrangères au pain, dans le but d’obtenir quelque chose qui ressemblerait à une « panification ». Enfin, l’hostie ne doit pas avoir été confectionnée selon un procédé susceptible de dénaturer la substance du pain.
On peut encore réduire la présentation de ces prescriptions en deux points très simples. Premièrement, l’hostie doit contenir un minimum de gluten. Deuxièmement, c’est grâce au gluten que doit advenir la panification, à l’exclusion d’ajout de matières étrangères ou d’utilisation de procédés susceptibles de dénaturer la substance du pain.
Des prescriptions qui ne règlent pas le problème des malades cœliaques
Avant même d’entrer dans un examen des procédés qui seraient utilisés pour produire des hosties appauvries en gluten, il est possible de faire une réflexion de principe.
Comme nous venons de le voir, la première des prescriptions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi est qu’il est nécessaire et obligatoire de conserver un minimum de gluten dans les hosties.
Or, les véritables malades cœliaques ne peuvent absorber la moindre quantité de gluten sous peine de troubles graves, pouvant aller jusqu’à la mort en cas d’ingestions répétées. Que l’hostie soit confectionnée normalement, ou qu’elle soit confectionnée avec un taux de gluten qui aurait été diminué, le risque est à peu près le même pour ces personnes : elles ne peuvent communier à des hosties contenant du gluten sans mettre leur santé, voire leur vie, en danger plus ou moins grave.
Ainsi, un médecin qui soignait un malade cœliaque s’étonnait de le voir toujours souffrir des conséquences de sa maladie, alors qu’il suivait apparemment avec sérieux et exactitude le protocole « sans gluten » qui aurait dû le protéger parfaitement. C’est en interrogeant systématiquement son patient sur toutes ses actions de la semaine que ce médecin finit par découvrir que ledit patient communiait chaque dimanche : autrement dit, 0, 4 gramme (le poids moyen d’une hostie) de pain par semaine suffisait à rendre cette personne gravement malade.
En vérité, pour les véritables malades cœliaques, seules des hosties totalement dépourvues de gluten seraient pertinentes : mais celles-ci ne respecteraient pas les prescriptions tout à fait claires de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
Ce qui signifie que ces prescriptions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, même si elles étaient mises en œuvre correctement par les fabricants d’hosties (ce que nous examinerons plus loin), ne seraient pas en mesure de régler le problème des véritables malades cœliaques, qui ne pourraient donc toujours pas communier à l’hostie sans mettre en péril leur santé. La seule solution envisageable pour eux serait une communion au précieux Sang, ce qui est une autre question que nous n’aborderons pas ici.
Quant aux personnes qui digèrent mal les produits à base de blé, sans être intolérantes au sens médical, l’absorption de 0, 4 gramme de pain (avec un taux de gluten normal, ou avec un taux diminué) n’est pas en mesure de déclencher chez elles des troubles digestifs. Les prescriptions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi paraissent donc inutiles pour elles.
Autrement dit, ces prescriptions ne semblent pas pertinentes pour le problème qu’elles sont censées régler. Si un fabricant d’hosties respectait scrupuleusement ces prescriptions, les hosties produites par lui ne pourraient pas être consommées raisonnablement par les véritables malades cœliaques, et n’auraient pas d’avantage spécial pour les personnes qui simplement digèrent mal les produits à base de blé.
Peut-on réellement mettre en œuvre les prescriptions de la Congrégation ?
Mais, au-delà de ce jugement théorique sur les prescriptions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, il est intéressant de s’interroger sur leur faisabilité : est-il possible, effectivement, de produire des hosties appauvries en gluten qui soient véritablement du pain de froment ?
La Congrégation ne donne pas explicitement le motif de sa prescription de conserver un minimum de gluten dans l’hostie. La piste qu’elle nous suggère, dans ses deux lettres, est de lier la présence de gluten à la panification : les hosties doivent obligatoirement contenir « la quantité de gluten suffisante pour obtenir la panification ».
La Congrégation semble donc tenir que le gluten est un composant essentiel du pain, même si c’est dans une quantité qui peut varier. Pour elle, un produit sans gluten ne pourrait pas être du pain, tandis que s’il contenait encore du gluten, même dans une quantité raisonnablement diminuée, il serait toujours du pain. Ce qui nous renvoie à la question de la nature du pain, et du procédé nécessaire pour aboutir réellement à du pain.
Nous nous appuierons, pour proposer ce petit résumé technique, sur une étude réalisée par un prêtre qui se trouve être aussi médecin, et qui s’est penché, à travers la littérature scientifique et technique, sur la question de l’élaboration du pain, et sur ce qui est véritablement du pain. Cependant, nous présenterons les choses, non avec un vocabulaire technique, difficilement accessible à un profane, mais avec les mots de tous les jours, bien entendu en nous efforçant de traduire adéquatement ledit vocabulaire technique.
Le processus d’élaboration du pain
Le pain est tout d’abord composé de deux éléments rigoureusement indispensables : de la farine et de l’eau. Pour le pain eucharistique, la farine doit être de froment, ou blé tendre, mais le pain, plus généralement, peut être fait de seigle, d’orge, etc. Pour ne pas nous égarer, et puisque nous parlons ici spécifiquement d’un pain eucharistique, nous dirons que les deux éléments indispensables en ce cas spécifique sont la farine de froment et l’eau.
Dans l’Église latine, le pain eucharistique n’est pas levé ou fermenté (on dit aussi qu’il s’agit de pain azyme) : seuls les deux ingrédients de base sont utilisés. Dans les Églises orientales, on utilise ordinairement du pain levé ou fermenté (donc analogue à celui que nous utilisons dans nos repas) : aux deux ingrédients de base sont ajoutés pour cela de la levure (ou du levain) et du sel.
Mais verser de l’eau sur de la farine, et même y ajouter de la levure (ou du levain), ne produit pas directement du pain. Il faut agir spécifiquement pour, à partir de ces ingrédients, obtenir ce que nous appelons du pain. Cette action se réalise en deux phases. Tout d’abord, on pétrit le mélange, c’est-à-dire qu’on le malaxe longuement pour obtenir la « pâte à pain ». Ensuite, on cuit cette pâte à pain : c’est seulement à l’issue de ce second processus que l’on obtient du pain au sens propre.
Quel mécanisme produit le pain ?
Le passage du mélange de farine et d’eau (éventuellement de levure) à un pain, grâce au pétrissage et à la cuisson, constitue un processus physico-chimique complexe, qui va voir apparaître et agir divers ingrédients.
Les deux ingrédients essentiels qui vont apparaître et agir sont le gluten et l’amidon. Ce dernier va donner au pain ses propriétés de texture et de stabilité. Mais c’est le gluten qui « restructure » les molécules de la farine, qui forme de nouvelles liaisons moléculaires et en détruit d’autres, et qui va donc être le principal responsable de la nouvelle structure du pain, différente du simple mélange de farine et d’eau.
S’il s’agit d’un pain fermenté, la levure (ou le levain) va faire bouger la structure élastique procurée par le gluten, notamment par l’apparition de bulles de gaz (les petits trous dans le pain que nous consommons à table), mais sans modifier substantiellement la composition chimique : c’est pourquoi, levé (fermenté) ou azyme, il s’agit toujours de pain.
La notion de farine « panifiable »
Une farine susceptible de produire du pain par le processus que nous venons de décrire est nommée farine « panifiable ». Toutes les farines, en effet, ne sont pas « panifiables », ne sont pas susceptibles de produire du pain.
Comme toute farine, une farine « panifiable » contient des centaines de protéines. Mais elle contient spécifiquement des protéines gluténiques, qu’on ne trouve pas dans les farines non « panifiables ». Ce sont ces protéines gluténiques qui, activées par le pétrissage, vont produire le gluten, un des composants essentiels du pain.
Toutefois, les farines « panifiables » le sont diversement, c’est-à-dire qu’elles sont plus ou moins capables de réaliser cette activité gluténique qui va produire le pain. Il se trouve, c’est l’expérience de l’humanité, que la farine de froment est la plus « panifiable » de toutes les farines, c’est-à-dire qu’elle se transforme le plus facilement en pain. Ce qui signifie qu’elle possède des protéines gluténiques particulièrement actives, qui vont produire facilement et efficacement le gluten.
Ceci entraîne que, dans le pain fait à partir de froment, à partir de blé, donc spécifiquement dans les hosties, va se trouver une quantité plus importante de gluten que dans des pains faits à partir d’autres farines « panifiables ».
Peut-on intervenir sur le gluten du pain ?
Il existe dans la farine de froment, de blé, plus de cent protéines gluténiques différentes, au milieu d’innombrables autres protéines. Mais, selon ce que l’on sait désormais, seules certaines de ces protéines gluténiques sont causes des troubles cœliaques.
Une première piste pour résoudre le problème des malades cœliaques serait d’arriver à réaliser un blé génétiquement modifié, dans lequel les gènes responsables de la production des protéines gluténiques causant spécifiquement les troubles cœliaques seraient inactivés. Ainsi, la farine comporterait encore de nombreuses protéines gluténiques, et donc produirait du gluten après pétrissage, mais sans que ce gluten ne renferme les composants responsables des troubles cœliaques. Des équipes scientifiques travaillent actuellement à travers le monde pour essayer d’arriver à un tel résultat, mais n’y sont pas encore parvenues à cette heure. Et il faudra sans doute encore des dizaines d’années avant qu’une telle solution n’advienne, surtout si l’on pense à un processus susceptible d’être mis en œuvre industriellement. Ce n’est donc pas (encore) dans cette direction qu’il faut regarder en ce qui concerne des hosties « appauvries en gluten ».
Une autre piste serait d’agir, non pas au niveau du blé (donc avant même la farine), mais seulement au niveau de la farine, voire de la pâte à pain déjà réalisée. On pourrait imaginer intervenir à ce stade pour retirer uniquement les éléments qui provoquent spécifiquement les troubles cœliaques. Mais une telle opération, si par hasard elle est possible, serait extrêmement complexe, et seul un laboratoire spécialisé, recourant à des procédés très pointus et très coûteux, serait éventuellement capable de la réaliser. Il n’existe actuellement aucun procédé industriel connu en mesure d’effectuer une telle opération.
La seule solution industriellement envisageable, et effectivement utilisée aujourd’hui, consiste à intervenir sur la pâte à pain déjà réalisée, donc contenant du gluten, et à séparer ledit gluten du reste de la pâte à pain.
On utilise pour cela un simple procédé de « lavage ». En effet, le gluten n’est pas soluble dans l’eau. Si donc on met la pâte à pain sous un filet d’eau, les éléments solubles sont emportés par l’eau (et récupérés à part), et ne restent que les éléments non solubles, en particulier le gluten. Les éléments solubles, récupérés, sont alors séchés, et l’on obtient un certain élément, une certaine pâte, qui ne contient plus de gluten (ni, en général, de protéines non solubles).
L’élément essentiel dont est constituée cette nouvelle pâte après ce traitement est l’amidon, puisque l’amidon est soluble dans l’eau. Autrement dit et pour simplifier, ce processus de « lavage » met d’un côté le gluten, de l’autre une pâte fait essentiellement d’amidon de blé.
L’achèvement du « pain sans gluten »
Mais la pâte à pain n’est pas encore du pain : il faut nécessairement passer à la seconde étape qui, elle, achève le processus, à savoir la cuisson.
Pour la pâte d’amidon de blé qui est le résultat du « lavage », deux procédés sont possibles pour achever le processus : soit on cuit cette pâte d’amidon de blé directement, sans autre forme de procès ; soit on ajoute à cette pâte d’amidon de blé des ingrédients qui vont imiter l’action « panificatrice » du gluten. Dans le premier cas, on obtiendra plutôt ce qu’on appellerait un biscuit ; dans le second cas, on obtiendra quelque chose qui aura une apparence de pain ordinaire.
Sauf erreur, les fabricants proposant des hosties « appauvries en gluten », si l’on prend en compte la description qu’ils donnent respectivement des dites hosties, utilisent le premier procédé, à savoir cuire directement la pâte d’amidon de blé.
La réalité des hosties « appauvries en gluten »
Les producteurs d’hosties proposant des hosties « appauvries en gluten » sont une quinzaine de fabricants, répartis actuellement en cinq pays (Allemagne, Espagne, États-Unis, Italie, Suisse), mais vendant dans le monde entier, notamment grâce au commerce en ligne.
L’examen des notices publiées par ces fabricants manifeste sans ambiguïté qu’ils ont procédé au « lavage » dont nous avons parlé, et qui élimine quasi radicalement le gluten, ne laissant qu’une pâte d’amidon de blé.
Ces fabricants expliquent clairement qu’ils utilisent pour la fabrication de ces hosties « appauvries en gluten » une telle pâte constituée d’amidon de blé. Citons quelques notices, en diverses langues selon le pays d’origine du fabricant. « Ingredienti : amido di frumento deglutinato » (Christus). « Confezionate con amido di frumento » (Divina). « Aus reinem Wasser und Weizenstärke » (Schreibmyar). « Nous fournissons sur commande des hosties pour les personnes sensibles au gluten, cuites à partir d’amidon de blé primaire » (Abtei Varensell). « A base d’amidon de blé » (Die Gläserne Hostienbäckerei St. Johannes). « Componentes : Almidón de trigo bajo en gluten » (Brabander). « Made of wheat starch » (Benedictine Sisters of Perpetual Adoration). « Made from wheat starch & water only » (Parish Crossroads). « Nos hosties sont composées d’amidon de blé et d’eau » (Canavagh). Etc.
Ces fabricants revendiquent explicitement le label « Sans gluten », « Gluten free », « Senza glutine », « Glutenfrei », « Sin gluten ». Ce label, légalement défini, exige que le produit contienne moins de 20 parties par million de gluten, soit 0, 002 %, le niveau le plus bas qui puisse être détecté par des méthodes courantes scientifiquement valides. Concrètement, sachant qu’une hostie pèse environ 0, 4 gramme, cela signifie qu’il n’y a aucune trace de gluten dans les hosties dites « appauvries en gluten », telles qu’elles sont actuellement proposées sur le marché.
En revanche, comme nous l’avons dit, aucun fabricant ne revendique l’ajout de produits étrangers permettant une forme de « panification ». Au contraire, chacun d’eux laisse entendre clairement que ses hosties sont fabriquées uniquement avec de l’amidon de blé et de l’eau.
Les hosties « appauvries en gluten » et les malades cœliaques
Ces hosties « appauvries en gluten » étant en fait entièrement dépourvues de gluten, il est clair qu’elles répondent efficacement à la problématique médicale des malades cœliaques : une personne affectée de cette maladie grave peut consommer sans danger de telles hosties, comme elle peut consommer sans danger tout produit respectant le label légalement défini « Sans gluten ».
Les hosties « appauvries en gluten »
et les prescriptions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
En revanche, il est patent que ces hosties prétendues « appauvries en gluten » ne respectent pas les prescriptions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, pour la bonne raison qu’elles sont en réalité des hosties « sans gluten ».
En effet, le seul procédé industriel connu, auquel font d’ailleurs clairement allusion les fabricants d’hosties dites « appauvries en gluten », à savoir le « lavage », élimine entièrement le gluten, et aboutit à une pâte composée seulement d’amidon de blé.
De plus, les fabricants d’hosties expliquent que leurs hosties dites « appauvries en gluten » sont bien composées à partir d’une telle pâte d’amidon de blé.
Enfin, ces mêmes fabricants revendiquent le label légalement défini « Sans gluten », qui implique que le pain soit totalement dépourvu de gluten, dans le sens où les instruments de mesure scientifiquement valables ne sont plus en mesure d’en détecter la présence.
Or la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dans ses lettres de 1995 et de 2003, est particulièrement claire sur la matière valide de l’Eucharistie, avec deux affirmations qui donnent un cadre précis : « Les hosties auxquelles a été enlevé le gluten, les hosties totalement privées de gluten, sont une matière invalide » ; « Les hosties sont une matière valide si elles sont [seulement] partiellement privées de gluten, si elles contiennent la quantité de gluten suffisante pour obtenir la panification ».
Conclusion
Il est donc clair que toutes les hosties prétendues « appauvries en gluten » actuellement proposées par les fabricants d’hosties sont en contradiction avec les prescriptions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, puisqu’elles ne contiennent plus de gluten.
Et le fait que ces fabricants d’hosties prétendues « appauvries en gluten » revendiquent éventuellement des autorisations accordées par des conférences épiscopales, qui peut-être ont été trompées, ou bien qui sont laxistes, ne rend pas leurs hosties plus conformes aux prescriptions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
Par ailleurs, en allant plus au fond des choses, il est extrêmement douteux, en soi, qu’un « biscuit », fait d’une pâte d’amidon de blé de laquelle on a retiré tout gluten, puisse être réellement un pain de froment, seule matière valide de la consécration eucharistique.
Or, (c’est un principe fondamental de la théologie sacramentaire), dans la confection des sacrements il faut être « tutioriste », c’est-à-dire qu’on doit choisir obligatoirement la solution la plus sûre, car la confection d’un sacrement implique directement la révérence due à Dieu et le bien spirituel le plus élevé du fidèle qui va recevoir ce sacrement. Confectionner un sacrement douteusement valide, hors du cas d’extrême nécessité pour le salut d’une âme, serait commettre un péché grave.
Utiliser les hosties actuellement proposées comme « appauvries en gluten », en réalité dépourvues de gluten et faites simplement d’amidon de blé, en opposition avec les prescriptions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, serait ainsi mettre directement en péril la certitude de la validité de la consécration eucharistique réalisée sur elles.
Abbé Grégoire Celier
[1] Dans cette crise de l’Église qui dure depuis les années 60, et spécialement à la suite du concile Vatican II, il ne nous est pas possible de recevoir comme purement et simplement normatives les décisions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, avant tout examen, ainsi qu’il le faudrait en temps ordinaire. Cette Congrégation, en effet, a publié durant ces soixante dernières années certains documents plus que douteux, voire inacceptables. Cependant, tel n’est pas le sens que nous donnons ici aux citations que nous ferons des documents de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi relatifs à la question des hosties appauvries en gluten. Ainsi qu’on le verra, nous estimons les prescriptions de la Congrégation, touchant cette question, bien fondées dans les faits et dans la théologie sacramentaire. Par ailleurs, la question qui se pose est, entre autres, de savoir si les fabricants d’hosties, qui prétendent suivre les prescriptions de ladite Congrégation, les respectent en fait.