MATHIEU LAVAGNA ET LA FRATERNITÉ SAINT PIE X



Publié le 18/11/2024 sur internet
Publié dans le N°680 de la publication papier du Courrier de Rome



1. Qui est Mathieu Lavagna ?

1. Né le 11 janvier 1999, Mathieu Lavagna s’est fait connaître du grand public catholique, à l’âge de 22 ans, avec son premier livre paru en 2021 aux Editions Marie de Nazareth : Soyez rationnel, devenez catholique ! - et dont une nouvelle édition augmentée a vu le jour en 2023. La suite ne s’est pas fait attendre : jeune diplômé (en 2019) de l’Institut privé Docteur angélique patroné par Monsieur Arnaud Dumouch, s’intitulant « apologète », Mathieu Lavagna intervient régulièrement, pour aborder mille sujets, sur sa propre chaîne Youtube , « dédiée à l'apologétique catholique, c'est à dire à la défense rationnelle de la foi catholique », ainsi que sur nombre d’autres chaînes, comme celles de Marie de Nazareth , de KTO TV , de l’abbé Mathieu Raffray ou d’Arnaud Dumouch .

2. Une attaque en règle … et inattendue.

2. Parmi ces « mille sujets », Mathieu Lavagna s’est attaqué (c’est bien le mot) aux orientations suivies par la Fraternité Saint Pie X. Notre apologète youtubeur semble, en effet, s’être fait en conscience le devoir de dénoncer ce qu’il considère comme autant d’atteintes au dogme de l’indéfectibilité de l’Eglise. L’une de ses interventions, publiée le 27 mai dernier sur sa chaîne personnelle, vise « les positions de la FSSPX sur la liturgie » .

3. Mathieu Lavagna s’est pourtant signalé jusqu’ici, outre son livre d’apologétique déjà mentionné, par d’autres utiles et heureuses publications, qui témoignent d’un travail particulièrement soigné, et auxquelles l’on doit reconnaître le grand mérite de défendre des points capitaux du dogme et de la morale catholique injustement – et fort superficiellement – mis en cause par les esprits faux de l’heure. C’est ainsi que la même année 2024 a vu paraître une réponse aux dénégations insensées de Michel Onfray , une réfutation en règle des élucubrations sournoises de Thomas Durand et surtout une argumentation sans failles développée à l’encontre de l’avortement . Nous n’en regrettons que davantage la charge que notre apologète entreprend étonnamment de battre pour discréditer le bon combat mené par Mgr Lefebvre et la FSSPX.

3. L’angle de cette attaque.

4. En raison de sa critique du nouveau rite de la messe réformé par Paul VI, la FSSPX nierait l’indéfectibilité de l’Eglise. Telle est la thèse défendue tout au long du Powerpoint visionnable sur la chaîne Youtube, et commenté en voix off par son auteur. Après avoir présenté l’orientation suivie par Mgr Lefebvre (00.00-01.05), Mathieu Lavagna retient ce fait que la Fraternité Saint Pie X « interdit » à ses fidèles d’assister à la messe de Paul VI (01.05-04.05) pour y voir une attitude qui serait contraire au dogme de l’indéfectibilité de l’Eglise (04.05-06.25). A l’inverse de cette attitude, notre intervenant soutient qu’une critique respectueuse et nuancée de la messe de Paul VI est possible sans aller jusqu’à cet interdit (06.25-07.23). Il revient ensuite sur l’enseignement de Vatican II concernant la liturgie (07.23-08.15) avant de soulever des objections à l’encontre des réflexions menées par la Fraternité Saint Pie X au sujet de la messe de Paul VI : serait-elle douteusement valide ? (08.15-10.26) ; serait-ce une messe protestante ? (10.26-14.37) ; que penser du « Petit catéchisme de la Nouvelle Messe », quant au point précis de l’assistance à cette messe ? (14.37-17.07) ; participer à la Nouvelle Messe serait-il un péché mortel ? (17.07-18.57). Mathieu Lavagna épilogue ensuite sur « l’interdiction » d’assister aux messes des communautés Ecclesia Dei (18.57-21.00) avant de donner sa conclusion (21.00-22.19), sous la forme synthétique des quatre propositions suivantes :

1) la position de la Fraternité Saint Pie X sur la liturgie est incompatible avec l’indéfectibilité de l’Eglise

2) il est théologiquement impossible que l’Eglise catholique promulgue universellement une liturgie qui, lorsqu’elle est bien célébrée, est intrinsèquement mauvaise et dangereuse pour le salut des âmes

3) il est théologiquement impossible que l’Eglise catholique indéfectible promulgue universellement des « sacrements bâtards » ou une liturgie douteusement valide

4) il est aberrant de soutenir que les fidèles sont dispensés d’aller à la messe le dimanche s’ils n’ont pas de messes traditionnelles près de chez eux. Cela revient à s’opposer frontalement à l’obligation dominicale.

4. Le détail de cette attaque.

5. La proposition n° 1 énonce un jugement de valeur. Les propositions n° 2 et n° 3 voudraient en donner la preuve. La proposition n° 4 énonce un nouveau jugement de valeur, avec ce qui voudrait en être la preuve, nouveau jugement de valeur qui n’est que la conséquence du précédent.

6. Le premier jugement de valeur est que l’orientation suivie par la Fraternité Saint Pie X suppose que l’Eglise n’est pas indéfectible. La preuve consiste à mettre en évidence que la Fraternité Saint Pie X nie les conséquences nécessaires de l’indéfectiblité de l’Eglise. En effet, l’indéfectibilité de l’Eglise aurait pour conséquence nécessaire que, lorsqu’elle promulgue universellement une liturgie, l’Eglise catholique ne pourrait pas promulguer un rite qui, dans son principe même et indépendamment de la qualité personnelle du célébrant, serait intrinsèquement mauvais et dangereux pour le salut des âmes ou qui serait douteusement valide ; or, la Fraternité Saint Pie X nie ces deux conséquences dans le cas particulier de la liturgie promulguée par Paul VI ; la Fraternité Saint Pie X nie donc l’indéfectibilité de l’Eglise.

7. Le second jugement de valeur est que, si la position théorique de la FSSPX sur la nouvelle liturgie est incompatible avec l’indéfectibilité de l’Eglise, la position pratique tenue par la FSSPX à l’égard de cette liturgie présente elle aussi la même incompatibilité puisque l’orientation suivie par la Fraternité Saint Pie X s’oppose au précepte qui oblige les fidèles catholiques à assister à la messe le dimanche. La preuve repose sur le fait que ce précepte n’est dispensable que pour une raison suffisante, alors que la Fraternité Saint Pie X en dispense ses fidèles pour une raison qui n’est pas suffisante. Celle-ci suppose en effet que l’assistance au nouveau rite réformé par Paul VI n’est pas matière à obligation pour l’accomplissement du précepte dominical, en raison de ses déficiences. Si l’on n’admet pas celles-ci, la raison de dispenser de l’assistance dominicale à la messe selon le rite réformé de Paul VI n’est pas suffisante. Or, selon Mathieu Lavagna, ce nouveau rite de Paul VI ne présente pas des déficiences suffisamment graves pour que l’on puisse conclure qu’il ne représente pas matière à obligation pour le précepte dominical.

8. En remettant en cause, comme elle le fait, le bien-fondé de la réforme liturgique de Paul VI, la FSSPX nierait l’indéfectibilité de l’Eglise.

5. Que faut-il en penser ?

8. Nous pourrions renvoyer ici Mathieu Lavagna à ce qu’il écrit – du reste très justement – en avant-propos à son étude sur l’avortement : « Aujourd’hui, rares sont les personnes qui ont le courage de chercher à comprendre la position adverse avant d’émettre des critiques de fond. Il est tellement plus facile et confortable de rester campé sur ses idées sans prendre la peine d’examiner les arguments opposés » . Nous ne pensons pas que Mathieu Lavagna mériterait de se voir imputer le genre de facilité auquel il songe ici lui-même. Il serait, plutôt, victime d’un autre genre de facilité, celle de la bonne conscience donnée par le Motu proprio Ecclesia Dei afflicta à tous ceux auxquels le Pape Jean-Paul II a voulu rappeler « le grave devoir qui est le leur de rester unis au Vicaire du Christ dans l'unité de l'Eglise catholique et de ne pas continuer à soutenir de quelque façon que ce soit ce [de Mgr Lefebvre] mouvement » . Fort de cette idée délivrée a priori par Jean-Paul II et selon laquelle le combat mené par Mgr Lefebvre aboutit à rompre l’unité de l’Eglise, Mathieu Lavagna croit pouvoir se contenter d’une argumentation réductrice. « Il est théologiquement impossible que » … répète-t-il à l’envi. Essayons de cerner où se situe exactement ladite impossibilité. Cela s’avère d’autant plus sinon nécessaire du moins convenable que Mathieu Lavagna reconnaît lui-même que cette réforme de Paul VI est problématique, puisqu’il admet qu’une critique respectueuse et nuancée de la messe de Paul VI est possible (06.25-07.23) – et la préconise à l’encontre de l’attitude suivie par la FSSPX. Qui plus est, dans une nouvelle vidéo encore récemment publiée sur sa chaine YouTube , il donne même six conseils pour « améliorer les messes Paul VI ». Pourquoi donc la messe de Paul VI serait-elle passible d’une critique, même respectueuse et nuancée, voire d’une amélioration, si sa promulgation universelle faisait l’objet d’un acte infaillible du Magistère suprême ?

6. Une appréciation plus correcte de l’indéfectibilité.

9. Reprenons tout d’abord l’argument fondamental développé par notre contradicteur : tout repose, selon lui, sur l’idée que l’attitude de la Fraternité Saint Pie X nie l’indéfectibilité de l’Eglise, parce qu’elle affirme la défaillance des actes de l’autorité hiérarchique, depuis Vatican II, puisque ces actes mettent en péril la foi catholique. Autrement dit : admettre la défaillance des actes de l’autorité dans l’Eglise est nier l’indéfectibilité de l’Eglise ; or, la position de la Fraternité Saint Pie X sur la liturgie équivaut à admettre la défaillance des actes de l’autorité dans l’Eglise ; donc la position de la Fraternité Saint Pie X sur la liturgie équivaut à nier l’indéfectibilité de l’Eglise.

10. La réponse consiste à faire la distinction entre affirmer la défaillance de principe de tous les actes de l’autorité et affirmer la défaillance de fait de quelques actes de cette autorité. Autrement dit : admettre la défaillance de quelques actes de l’autorité dans l’Eglise n’est pas nier l’indéfectibilité de l’Eglise ; or, la position de la Fraternité Saint Pie X sur la liturgie équivaut à admettre la défaillance de quelques actes de l’autorité dans l’Eglise ; donc la position de la Fraternité Saint Pie X sur la liturgie n’équivaut pas à nier l’indéfectibilité de l’Eglise.

11. La distinction sur laquelle repose notre réponse doit garder toute son importance, si l’on se remet en mémoire quelques faits historiques bien avérés. Au plus fort de la crise arienne (car il y eut une crise arienne) le Pape Libère crut bon de souscrire en l’an de grâce 351 une formule, désignée par la suite comme « première formule de Sirmium » formule qui évite à dessein de reprendre le concept de « homoousion » ou « consubstantiel » pour qualifier la relation du Verbe au Père dans l’explication du dogme de la Sainte Trinité. Ce concept clé du « consubstantiel » avait pourtant été clairement défini par le concile de Nicée en 325. La formule souscrite par le Pape présentait de la sorte une saveur semi-arienne, dans la mesure où elle n'affirmait plus le dogme de la foi catholique dans les termes rendus nécessaires par le précédent concile œcuménique. Quelques trois siècles plus tard, en 634, le Pape Honorius Ier, adressa une réponse au Patriarche Serge de Constantinople, dans laquelle il expliquait longuement qu’en Jésus Christ homme, il n’y avait point eu la concupiscence mauvaise, aucune volonté peccamineuse du vieil homme opposée à la volonté de Dieu, mais « une seule volonté ». Honorius voulait parler d’une seule volonté humaine du Christ, toujours soumise à la volonté de Dieu, mais il oubliait de parler de la volonté divine du Christ. Détachée de son contexte, la formule pouvait être prise dans un sens monothélite, c’est-à-dire au sens où l’on nierait la volonté humaine et donc la nature humaine du Christ. L’expression incomplète du Pape Honorius fut condamnée comme hérétique lors du troisième concile de Constantinople (6e œcuménique) de 681, sous les papes saint Agathon (678-682) puis saint Léon II (682-684) auquel il reviendra de confirmer les décrets. Dans sa 13e session du 28 mars le concile ira jusqu’à anathématiser le pape Honorius Ier comme hérétique, ainsi que le patriarche Serge de Constantinople . Au tout début du quinzième siècle, le concile de Constance (1414-1418), réuni pour mettre un terme au Grand Schisme d’Occident (1378-1415), promulgua dans la 5e session, tenue du 26 mars au 6 avril 1415, le décret Haec sancta Synodus qui reconnaît comme doctrine officielle de l’Eglise les théories de Jean Gerson et Pierre d’Ailly. D’après ces thèses, le concile tient son pouvoir immédiatement du Christ ; il est sujet juridique d’actes collégiaux ; il est supérieur au Pape. Cette doctrine ainsi officialisée remettait en cause le droit divin et révélé de la souveraineté pontificale, et sera anathématisée comme hérésie lors du concile Vatican I, en 1870.

12. Les historiens qui présentent ces trois faits comme avérés présenteraient-ils, à l’instar de Mgr Lefebvre, une version incompatible avec l’indéfectibilité de l’Eglise ? En réalité, ces trois exemples représentent la part la plus connue des difficultés classiques élevées à la fois contre le dogme de l’infaillibilité du Pape et la vérité de l’indéfectibilité de l’Eglise. Mais ni celle-là ni celle-ci ne sauraient s’en trouver mises en doute. La théologie n’a pas de peine à montrer que ces faits ne sauraient en quelque manière infirmer ces deux points forts de l’ecclésiologie. Et réciproquement, affirmer que l’Eglise est indéfectible ne doit pas conduire à nier que, dans les faits, les hommes revêtus de l’autorité dans l’Eglise puissent ne pas se montrer à la hauteur de leur tâche, voire défaillir, en certains de leurs actes. Tout cela reste d’ailleurs compréhensible, pourvu que les notions mises en cause, celle de l’Eglise, de la Papauté, de l’infaillibilité et de l’indéfectibilité soient correctement définies, dans la dépendance de données de la Révélation, telles que le Magistère nous en fait la proposition .

13. L’indéfectibilité est le propre de l’Eglise, qui se définit elle-même comme une société. Pas plus qu’une société ne s’identifie formellement à l’autorité qui en dirige les membres, l’Eglise ne se réduit-elle à la Papauté. L’indéfectibilité de l’Eglise est donc fondamentalement l’indéfectibilité du triple lien de l’unité de profession externe et publique de foi et de culte, dans la soumission au gouvernement hiérarchique divinement institué. Cette indéfectibilité de l’Eglise, prise dans ce triple lien de son unité, peut ne pas toujours aller de pair avec l’indéfectibilité de l’autorité, prise dans l’exercice de ses actes : l’histoire est là pour le montrer. Autre est l’indéfectibilité de l’Eglise, autre celle de la Papauté, c’est-à-dire de l’autorité suprême dans l’Eglise, autre encore celle de l’exercice de la Papauté, ou de tous et chacun de ses actes, indéfectibilité qui n’est nullement affirmée dans les sources de la Révélation. Car il y a une distinction bien réelle entre d’une part l’institution même de l’Eglise, qui est une institution divine et donc indéfectible, et d’autre part les actes des hommes qui représentent cette institution.

7. Les insuffisances de Mathieu Lavagna

14. Ayant omis toutes ces distinctions, Mathieu Lavagna pourfend aisément sa cible, mais c’est une cible qu’il a montée de toutes pièces, un épouvantail qui n’a pas grand-chose à voir avec les données réelles de l’ecclésiologie. Serait-il « théologiquement impossible » qu’avec le rite réformé de Paul VI l’Eglise catholique ait promulgué universellement une liturgie intrinsèquement mauvaise et dangereuse pour le salut des âmes ? Dans l’Eglise, c’est l’autorité suprême, et elle seule, donc le Pape, qui a le pouvoir de promulguer universellement la liturgie. Cette promulgation représente un acte de l’autorité, distinct comme tel tant de l’autorité qui l’exerce que de l’Eglise au bénéfice de laquelle cette promulgation est censée s’exercer. Il n’est pas théologiquement impossible, par conséquent, que l’exercice de l’autorité ne soit pas à la hauteur ni du principe même de l’autorité ni du bien commun réclamé par l’Eglise. Celle-ci demeure indéfectible, par la grâce de Dieu et malgré la faiblesse ou même l’iniquité des hommes, même si l’exercice de la Papauté ne l’est pas toujours. Car le Pape n’est pas infaillible en tous et chacun de ses actes.

15. Il est vrai, pourra-t-on objecter, que la promulgation universelle de la loi liturgique fait partie de l’objet second du Magistère infaillible . Par conséquent, si le Pape promulgue la loi liturgique pour l’Eglise universelle, le fidèle catholique doit normalement présumer que cette promulgation représente un acte infaillible. Il doit donc présumer aussi qu’il est « théologiquement impossible » que le rite liturgique ainsi promulgué soit « intrinsèquement mauvais et dangereux pour le salut des âmes ». A cela, nous devons répondre en deux points.

16. Premièrement, comme le montre l’étude citée du Professeur da Silveira, si l’on doit tenir que la thèse selon laquelle les lois universelles de l’Eglise en matière de liturgie engagent l’infaillibilité, cette thèse n'a pas encore jusqu’ici fait elle-même l’objet d’une définition infaillible ; elle est seulement avancée comme théologiquement certaine par les manuels néo-scolastiques et semble avoir un support solide dans la Tradition. Mais avec cela, « il y a de graves raisons, aussi bien d’ordre doctrinal qu’historique, pour nous de douter que les lois universelles impliquent toujours et nécessairement l’infaillibilité de l’Eglise ». […] « Ce doute a un support dans la Tradition, car dans de nombreux documents on trouve des hésitations et des expressions restrictives au sujet de la thèse de l’infaillibilité en matière disciplinaire et liturgique » . Il apparaît probable que les lois liturgiques universelles engagent l’infaillibilité de l’Eglise, mais « à des degrés variables, selon la mesure où le Saint Siège ou la hiérarchie sacrée ont engagé, dans chaque cas particulier, leur propre autorité » . Le Professeur da Silveira s’appuie ici sur les travaux du Père Cipriano Vagaggini (1909-1999), osb , professeur au Collège Saint-Anselme à Rome, figure importante de la Congrégation pour el culte divin, expert en liturgie et défenseur acharné de la réforme de Paul VI.

17. Deuxièmement, l’infaillibilité éventuelle d’une réforme liturgique doit s’entendre toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire à condition que le rite promulgué ne contredise pas, dans sa teneur de rite, le rite déjà promulgué jusqu’ici par un autre acte probablement infaillible, antérieur, de la même autorité papale. Il y a là la règle indubitable du critère négatif, énoncée par saint Paul dans son Epître aux Galates : « S’il arrivait que nous-même ou un ange du ciel [si nos aut angelus de cælo] vous enseigne autre chose que ce que je vous ai enseigné, qu’il soit anathème » . Or, le Bref examen critique du Novus Ordo Missae, présenté au Pape Paul VI par les cardinaux Ottaviani et Bacci, manifeste qu’il est au moins prudent de douter que la réforme de Paul VI soit en parfaite homogénéité avec la tradition liturgique antérieure . Dans la Préface qui précède et introduit ce Bref examen, les deux cardinaux constatent que le nouveau rite réformé par Paul VI « s’éloigne de manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail de la théologie catholique de la Sainte Messe telle qu’elle a été formulée à la XXe session du Concile de Trente, lequel, en fixant définitivement les canons du rite, éleva une barrière infranchissable contre toute hérésie qui pourrait porter atteinte à l’intégrité du Mystère » .

18. Autant dire que ce rite présente à l’évidence des difficultés intrinsèques, qui rendent raisonnable un doute sur l’infaillibilité de sa promulgation. A cela viennent s’ajouter des difficultés extrinsèques, en raison des intentions de ceux qui ont élaboré ce nouveau rite et qui apparaissent à l’évidence comme animés d’un esprit contraire à celui qui doit normalement commander la publication d’une loi liturgique pour l’Eglise universelle.

19. Le raisonnement et les conclusions – par trop péremptoires – de notre contradicteur ne sauraient donc commander nécessairement l’adhésion du fidèle catholique. Il y a au moins un doute sur le bien-fondé de la réforme liturgique de Paul VI, et c’est justement ce doute qu’exprime la Fraternité Saint Pie X, à l’appui de son attitude, pour préserver la foi des fidèles.

« Ces messes nouvelles », disait Mgr Lefebvre, « non seulement ne peuvent être l’objet d’une obligation pour le précepte dominical, mais on doit à leur sujet appliquer les règles de la théologie morale et du droit canon qui sont celles de la prudence surnaturelle par rapport à la participation ou à l’assistance à une action périlleuse pour notre foi ou éventuellement sacrilège. […] Nous détournons les fidèles de ces messes qui, peu à peu, détruisent la foi du célébrant et des fidèles. C’est clair, c’est absolument certain ! La nouvelle messe, même dite avec piété et dans le respect des normes liturgiques, tombe sous les mêmes réserves, puisqu’elle est imprégnée d’esprit protestant. Elle porte en elle un poison préjudiciable à la foi » .
Abbé Jean-Michel Gleize

Infolettre du Courrier de Rome

Tenez-vous au courant de nos dernières actualités !
CAPTCHA
Cette étape est nécessaire pour nous protéger du SPAM