SIGNES OU SYMBOLES ?



Publié le 18/11/2024 sur internet
Publié dans le N°680 de la publication papier du Courrier de Rome



1. Le 11 octobre 1551 se tint la treizième session du saint concile de Trente, au cours de laquelle fut promulgué le Décret sur la très sainte eucharistie. Dans son troisième chapitre, il y est rappelé que, à l’instar de tous les autres sacrements, l’eucharistie doit d’abord se définir comme « un symbole » - symbole, c’est-à-dire signe - « d’une réalité sacrée, et la forme visible d’une grâce invisible » . Voilà qui pourrait étonner, voire inquiéter, le fidèle catholique, habitué qu’il est à penser que ce sont les protestants qui ont voulu définir les sacrements comme des signes, et que les modernistes en ont fait des symboles, tandis que la vérité de notre foi catholique nous oblige à croire que ce sont d’abord et avant tout les causes productrices de la grâce.

2. Comment entendre le propos du concile de Trente ? La juste intelligence de cette déclaration magistérielle rend tout d’abord nécessaires quelques définitions, qui feront l’objet du présent article.

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Saint Thomas à la recherche
d’une définition du signe

3. La meilleure définition du signe, que saint Thomas va d’ailleurs reprendre telle quelle , est celle donnée par saint Augustin, dans le De doctrina christiana : « Le signe est une chose qui, en plus de l'impression qu’elle produit sur les sens, fait venir d’elle-même une autre idée à la pensée » . Saint Augustin donne tout de suite des exemples : « Ainsi, les traces d’un animal nous découvrent son passage, la fumée nous révèle un foyer caché à nos regards, un cri poussé par quelqu’un trahit le sentiment qui l’anime, et le son de la trompette apprend aux soldats quand il faut reculer, avancer ou faire toute autre manœuvre exigée par l’action ».

4. Ce qui caractérise le signe comme tel, c’est que la réalité sensible fait connaître quelque chose d’autre par elle-même et d’elle-même. La connaissance est directe et immédiate et il n’y a pas l’intermédiaire d’un discours. Celui qui voit de la fumée voit en même temps qu’il y a du feu. Celui qui aperçoit le feu rouge comprend par le fait même qu’il doit arrêter son véhicule. Autrement dit, nous saisissons le signe comme nous saisissons les propositions premières et immédiates (les axiomes), telle que la suivante : « le tout est plus grand que la partie », c’est à dire non à la suite d’un long raisonnement inductif ou déductif, mais par simple perception de la convenance du sujet et du prédicat. À ce niveau, les explications n’expliquent rien, et les raisonnements n’ajoutent rien à notre perception : nous percevons le rapport entre sujet et prédicat ou nous ne percevons rien du tout. Le signe (le crucifix) renvoie immédiatement et directement au signifié (la religion chrétienne). Ceci ne veut pas donner à entendre que les signes soient tous donnés naturellement ou que le rapport entre signe et signifié soit nécessaire, ou que ce soit manquer d’intelligence que de ne pas l’apercevoir sur présentation. Au contraire, une préparation est souvent indispensable à la perception d’un signe. Il faut que l’on explique ce qu’est un « tout » et ce qu’est une « partie » avant que l’on saisisse d’un seul coup d’œil que le tout est « plus grand » que la partie ; semblablement, il faut que l’on explique le rapport entre le rouge et le règlement du code de la route pour que le feu rouge devienne signe de l’arrêt ; mais une fois la « préparation » faite, le rapport s’établit avec la force d'une évidence.

5. Le signe peut donc se ramener au prédicament relation , et il s’agit de la relation entre d’une part un terme sensible et de l’autre un terme intelligible, qui sont donnés simultanément, dans un rapport de connaissance immédiate . Le signe ainsi défini est alors comme un genre, et il se diversifie en fonction du fondement de la relation. Le signe peut ainsi se diviser entre : le signe naturel ; le signe conventionnel ; le symbole.

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Les différents analogués
du signe

6. Le signe naturel a pour fondement un rapport de cause : ce signe est l’effet sensible qui renvoie à une cause intelligible. Il y renvoie nécessairement en raison de la nature même de ce qu’il est. La fumée est ainsi le signe naturel du feu. Le fait d’allaiter est, pour une femme comme une pour vache, le signe qu’elle a engendré.

7. Le signe conventionnel a pour fondement une institution divine ou humaine : ce signe est une réalité sensible qui renvoie à une notion intelligible, en raison d’une décision unanimement reconnue. Le feu rouge est ainsi le signe conventionnel de l’arrêt de la circulation.

8. Le symbole a pour fondement une similitude : ce signe est une réalité sensible qui renvoie à une notion intelligible, en raison d’une ressemblance, laquelle justifie une correspondance, le plus souvent métaphorique . Le printemps est ainsi le symbole de la jeunesse, car il y a une similitude entre les deux : les deux sont le moment où la vie est en effervescence, à ceci près que le printemps est le moment où c’est la vie du monde végétal qui est en effervescence, alors que la jeunesse est le moment où c’est la vie humaine. Le poisson est le symbole du Christ, car le mot poisson dans la langue grecque (« ιχθυς ») est formé des premières lettres de l’expression grecque signifiant : Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur (« ιεσυς χιστος θεου υιος ςοτερ »), la similitude étant basée sur le fait que le même mot représente à la fois le poisson et l’acronyme du Christ. Le Sacré Cœur de Jésus, dit Pie XII, est en ce sens le symbole de l’amour de charité et du triple amour que Dieu a voué aux hommes . Quelle serait la similitude qui autoriserait la correspondance métaphorique entre l’organe corporel du cœur humain et l’amour de charité ? De même que le cœur émet et répand dans tout le corps le sang, principe de vie naturelle, de même aussi la charité divine de Jésus émet et répand dans tout son Corps mystique la grâce, principe de vie surnaturelle.

9. Le signe, et avec le signe le symbole qui en est une réalisation analogique, joue donc le rôle d’un principe de connaissance dans la vie de notre intelligence. La question qui se pose alors est de savoir dans quelle mesure exacte les sacrements – et le premier d’entre eux, l’eucharistie - sont des signes, selon l’enseignement du concile de Trente.

Abbé Jean-Michel Gleize

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