1. Le décret Unitatis redintegratio sur l’œcuménisme est, parmi les documents du concile Vatican II, l’un des principaux qui posent de graves problèmes à la conscience des catholiques [1]. Mgr Lefebvre devait en faire état au lendemain du Concile, dans son livre bien connu J’accuse le Concile, paru en 1976, aux Editions Saint Gabriel, à Martigny, en Suisse [2]. Mais il ne faut pas méconnaître que, au moment même du Concile, le futur fondateur de la Fraternité Saint Pie X ne fut pas le seul à dénoncer les insuffisances et même les erreurs graves de ce texte qui devait être au principe de la crise sans précédent subie par la suite au sein de la sainte Eglise de Dieu.
– I –
Le schéma sur l’œcuménisme voue d’avance à l’échec
l’entreprise d’un véritable retour au bercail
2. José Garcia y Goldaraz (1893-1973), originaire de Hernani en Espagne, fut, de 1953 à 1970, le trente-sixième archevêque de Valladolid. Docteur en théologie et en droit après de solides études à l’Université pontificale de Comillas, il est rapidement nommé secrétaire du Tribunal de la Rote espagnole, puis conseiller de la Nonciature apostolique. Au cours de son épiscopat il prit part au deuxième Concile du Vatican. Très occasionnellement, c’est-à-dire à trois reprises, il apposa sa signature sur des documents élaborés et présentés par le Coetus internationalis patrum, la structure qui regroupait les principaux pères conciliaires décidés à demeurer fidèle à la Tradition et à s’opposer pour cela aux nouveautés du modernisme [3].
3. Nous aurions tort de croire, cependant, que Mgr Garcia y Goldaraz borna son initiative à ces trois signatures. Il fit parvenir au Secrétariat du Concile de lui-même, et non plus comme simple signataire d’un texte rédigé par le Coetus, deux séries de « Remarques écrites » de son propre cru, la première au sujet du schéma sur l’œcuménisme, au lendemain de la soixante-quinzième assemblée générale du 26 novembre 1963 [4], et la seconde au sujet du schéma sur la liberté religieuse, au lendemain de la quatre-vingt neuvième assemblée générale du 28 septembre 1964 [5].
4. La réflexion que lui inspire le schéma sur l’œcuménisme, présenté à l’appréciation des pères conciliaires lors de la deuxième session, mérite d’être citée dans son intégralité.
5. « Ce schéma De oecumenismo, dans tout son entier, mais tout spécialement au numéro 2 du chapitre I, loin de servir à l’union des églises ou des communautés séparées, aboutira à ce que celles-ci persévèrent tranquillement dans leur état de séparation. En effet, le texte de ce schéma décrit ces communautés séparées non pas comme un fait que l’on devrait déplorer, objectivement et en soi, mais seulement comme des Eglises certes moins complètes, mais tout de même pourvues des moyens suffisants pour obtenir le salut. Car il est bien dit que peuvent y être donnés » la vie de la grâce, avec les autres dons intérieurs du Saint Esprit, la foi, l’espérance, la charité « , que » certaines actions sacrées se déroulent chez ces frères séparés […] que celles-ci peuvent sans le moindre doute produire réellement la vie de la grâce et que l’on doit dire qu’elles sont en mesure de donner accès à la communion du salut « , et ainsi de suite. Si l’on doit entendre ces expressions en toute rigueur de termes, sans que soit faite aucune allusion à l’obligation au moins objective de rechercher sincèrement la vérité et d’appartenir à l’Eglise catholique, si l’on ne dit rien du tout de la bonne foi qui est requise chez ceux qui peuvent obtenir les biens spirituels mentionnés et pour accéder à la voie du salut, le texte de ce schéma va surtout causer une grand scandale chez nos fidèles, alors que nous devons avant tout nous adresser à eux. Ce texte favorisera l’indifférentisme, les conversions au catholicisme vont devenir plus rares, s’il est encore permis d’utiliser ce terme de conversion, au milieu de la fureur oecuméniste si mal comprise, qui sévit actuellement et c’est d’ailleurs ce que démontre déjà, hélas, une bien triste expérience, alors même que le schéma n’a pas encore reçu l’approbation du Concile. Les catholiques se détourneront plus facilement de l’Eglise pour adhérer aux sectes et, au lieu de l’unité désirée, nous devrons subir une dispersion et une séparation encore plus grandes ».
6. En écrivant ces profondes remarques, que lui inspiraient à la fois son esprit surnaturel et son bon sens, ce successeur des apôtres ne faisait que prophétiser, quelques décennies à peine à l’avance, la fameuse « apostasie silencieuse » dénoncée par Jean- Paul II ainsi que « l’herméneutique de la rupture » dénoncée par Benoît XVI. A ceci près que, dans l’esprit des successeurs de Paul VI, l’apostasie et la rupture ne seraient que des effets indésirables et secondaires de l’aggiornamento voulu par Vatican II, des abus, pour reprendre une distinction déjà établie par le cardinal Ratzinger, pour lors Préfet de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi [6] – non pas des fruits mais des abus, c’est-à-dire des conséquences dont il ne serait pas question d’attribuer la responsabilité aux textes du Concile. Et pourtant, ce sont bien ces textes, dénoncés comme tels par l’archevêque de Valladolid, qui contiennent en germe et l’apostasie et la rupture. Les abus ne sont pas des abus ; ce sont les suites nécessaires et inévitables du numéro 2 de ce schéma du futur décret Unitatis redintegratio, ce sont les conséquences logiques et les véritables fruits de la nouvelle doctrine de Vatican II sur le faux œcuménisme moderniste et indifférentiste.
7. Mais il y a plus, car Mgr Garcia y Goldaraz n’était pas le seul à s’inquiéter de ces expressions insérées dans le texte du schéma.
– II –
Le schéma sur l’œcuménisme repose sur une notion ambiguë
et faussée de ce qui sépare les non catholiques de l’unité de l’Eglise
8. Giovanni Canestri (1918-2015) originaire du Piémont en Italie a été ordonné prêtre en 1941 pour le diocèse de Rome. En 1959, il devient directeur spirituel au Grand Séminaire pontifical romain. Nommé évêque auxiliaire de Rome deux ans plus tard en 1961, il prend part en cette qualité au deuxième Concile du Vatican. En 1971, il devient évêque de Tortone puis en 1975 il retourne à Rome comme évêque auxiliaire et vice-gérant, c’est-à-dire bras-droit du Cardinal-vicaire. Il devient ensuite archevêque de Cagliari (1984-1987) puis archevêque de Gênes (1987-1995). Le Pape Jean-Paul II le crée cardinal lors du consistoire du 28 juin 1988. Le 20 avril 1995, il laisse l’archevêché de Gênes à son successeur et retourne vivre à Rome jusqu’à sa mort survenue le 29 avril 2015.
9. Ce pasteur zélé pour le salut des âmes s’inquiète à juste titre des ambiguïtés et des insuffisances graves du schéma sur l’œcuménisme, spécialement dans le chapitre I. Lors de l’assemblée générale du 25 novembre 1963, il prend la parole dans l’aula pour présenter les six observations suivantes, parfaitement justifiées [7].
10. Premièrement, le texte du schéma parle des non catholiques, membres des communautés schismatiques et hérétiques, en disant que « baptisés dans le Christ Jésus, ils jouissent du nom de chrétiens » et que « l’Eglise les reconnaît pour ses fils ». Pour plus de clarté, remarque le prélat italien, ne serait-il pas mieux de dire : « l’Eglise les reconnaît comme des fils qui, hélas, se sont séparés de son sein » ? Cette observation ne sera pas retenue et le texte final du décret Unitatis redintegratio, au n° 3 de son chapitre I dira : « Justifiés par la foi dans le baptême, ils [les non catholiques membres des communautés schismatiques et hérétiques] sont incorporés au Christ et c’est pourquoi ils jouissent à bon droit du nom de chrétiens et sont reconnus à juste titre par les fils de l’Eglise catholique comme des frères dans le Seigneur ». On peut estimer que la confusion, loin d’être dissipée, s’en est trouvée aggravée, du fait qu’il est précisé que les nons catholiques sont reconnus par les catholiques comme des frères « à juste titre [merito] ».
11. Deuxièmement, le texte du schéma ajoute que « des actions sacrée, qui peuvent même être considérées comme relevant de la religion chrétienne [etiam christianae religionis actiones] sont accomplies chez les frères séparés » [8]. Dans le contexte où elle figure, cette expression des « actions sacrées » semble trop vague et trop peu claire au prélat : en effet, il est dit plus loin que « ces actions sacrées » peuvent sans l’ombre d’un doute produire réellement le vie de la grâce, alors ce n’est pas toute action sacrée, prise comme telle, qui peut réellement produire cet effet. Le texte final du décret Unitatis redintegratio, toujours au numéro 3 du chapitre I, ajoutera certes des précisions, mais des précisions qui ne précisent rien. Il est dit que les actions sacrée dont il est question produisent la vie de la grâce « de manières variées et en fonction de la condition de chaque Eglise ou communauté ». Mais il reste que, malgré cette différence, qui ne saurait être tout au plus qu’une différence de degré, selon le plus ou le moins, lesdites communautés séparées peuvent produire réellement la vie de la grâce. Alors que, selon l’enseignement constant de toute la Tradition de l’Eglise, une action sacrée produit effectivement la grâce non en tant que telle seulement mais en tant qu’elle est accomplie selon l’ordre voulu par Dieu et selon les conditions requises et à la validité et à la fructuosité. Même valides, ces actions ne seront pas fructueuses pour les âmes qui sont censées en bénéficier, du fait de l’état de séparation d’avec l’Eglise catholique [9]. La précision donnée par le texte final reste donc très insuffisante, voire inutile. Elle aggrave même la confusion dans la mesure où elle aurait de quoi faussement assurer les esprits mal avertis.
12. Troisièmement, le texte du schéma dit encore que « les Eglises et les communautés séparées ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur [ou de poids : pondere] dans le mystère du salut. Voilà qui revient à dire, remarque le futur cardinal archevêque de Gênes, que ces églises et communautés ont une signification dans le mystère du salut et cela laisse à désirer une explication, aussi brève soit-elle. En effet, ces « églises et communautés séparées », si elles sauvent, ne sauvent pas en tant que séparées, mais dans la mesure où elles ont pu conserver certains moyens de salut (qui appartiennent à l’Eglise catholique), en dépit du fait qu’elles soient séparées. Or, ces églises et communautés séparées ne se définissent pas dans leur différence spécifique en raison de ces moyens de salut, qui sont comme des restes de l’Eglise. Bien au contraire, et hélas, elles se définissent dans leur différence spécifique en raison de leurs erreurs, et, ainsi définies, elles ne sauvent personne. Notons aussi entre parenthèses que la note 15 du schéma, à la page 12, voudrait appuyer ce qui est dit dans le texte sur l’autorité de Léon XIII et de Pie XI, alors que ces deux Papes parlent précisément non des églises ou des communautés mais des personnes individuelles [10] ».
13. Quatrièmement, le texte du schéma affirme au numéro 4 du chapitre I, en parlant du baptême administré hors de l’Eglise catholique, que les catholiques doivent nécessairement regarder avec joie et estime ce bien véritablement chrétien et découlant du patrimoine commun, tel qu’il se trouve chez les frères séparés, car « Dieu dépasse toujours notre attente dans ses œuvres et doit toujours nous étonner ». Sans doute, observe le prélat, l’action de Dieu dépasse-t-elle tout ce que nous pourrions concevoir, en tout baptême, même si ce rite est administré dans l’hérésie. Cependant, nous avons besoin que soit établie la distinction claire entre le baptême tel qu’administré dans l’hérésie et le baptême administré en tant que tel. Car si le baptême produit son résultat, c’est en tant que tel et nullement en tant qu’il est administré dans l’hérésie. En dépit de cette remarque, la distinction n’a pas été faite dans le texte final du décret Unitatis redintegratio et la formulation du schéma a été reprise telle quelle.
14. Cinquièmement, le texte du schéma affirme que « à cause des divisions qui sévissent entre les chrétiens, l’éclat du visage du Christ se trouve en quelque manière obscurci dans l’Eglise ». Notre prélat serait d’avis de supprimer la locution adverbiale « en quelque manière [aliquantulum], car elle n’en dit pas assez, alors que le schéma évoque déjà les inconvénients de la séparation d’une manière qui est trop inconsistante.
15. Sixièmement, enfin, la définition que le schéma donne de l’œcuménisme semble bien trop obscure, aux yeux de Mgr Canestri et cela s’explique à ses yeux du fait que le premier paragraphe du schéma donne de l’unité de l’Eglise une définition qui est trop peu claire. Les frères séparés, dit-il, ont le droit – et ce droit est d’ailleurs reconnu en général par le Concile pour tous les hommes, dans le schéma sur les moyens de communication sociale [11] – d’avoir connaissance de cette unité de l’Eglise, à laquelle nous les appelons avec une charité persévérante. Mais, si l’on reconnaît ce droit aux frères séparés, l’on a par le fait même le devoir de leur procurer cette connaissance. Tout en respectant, bien sûr, les exigences de la justice et de la charité tout autant que celles de la vérité et de la sincérité, il faut donc que le texte du schéma définisse clairement en quoi consiste cette unité de l’unique Eglise, et qu’il dise que c’est l’unité du troupeau du Christ, qui trouve sa cohésion dans la dépendance d’un seul Pasteur, saint Pierre. Mais loin de satisfaire à ce vœu, le texte définitif du décret Unitatis redintegratio, dans le numéro 2 du chapitre I, s’en tient à une définition vague de l’unité de l’Eglise : le « mystère sacré de l’unité de l’Église, dans le Christ et par le Christ, sous l’action de l’Esprit Saint qui réalise la variété des ministères » a pour principe « la trinité des personnes, l’unité d’un seul Dieu Père, et Fils, en l’Esprit Saint ». Il est certes dit que le Christ « a confié au collège des Douze la charge d’enseigner, de gouverner et de sanctifier » et que « parmi eux, il choisit Pierre, sur lequel, après sa profession de foi, il décida d’édifier son Église » et qu’il « lui confia toutes les brebis pour les confirmer dans la foi et pour les paître en unité parfaite ». Mais l’unité de l’Eglise est davantage décrite que définie, et la suite du texte en tire des conséquences qui s’accordent difficilement avec l’idée d’une société hiérarchique fondée sur saint Pierre et ses successeurs comme sur son principe véritablement social d’unité.
– III –
Le schéma sur l’œcuménisme repose sur
une notion ambiguë et faussée de l’unité de l’Eglise
16. Né à Tolède en 1909, Anastasio Granados Garcia (1909-1978) fit ses études au séminaire de cette ville, puis à l’Université Pontificale Grégorienne de Rome, où il obtint un doctorat en théologie et une licence en droit canonique. Ordonné prêtre en 1934 par le cardinal archevêque de Tolède, il occupe ensuite des fonctions et des tâches pastorales de plus en plus importantes : professeur au séminaire de Tolède, curé et aumônier mozarabe, chanoine, chantre et doyen de la cathédrale primatiale, vice-chancelier et chancelier de l’archevêché de Tolède. Il fut également secrétaire particulier du cardinal archevêque de 1934 à 1940, conseiller diocésain de l’Action catholique féminine et vicaire capitulaire de l’archidiocèse de Tolède. Le 30 avril 1960, il fut nommé évêque titulaire de Cidramo et auxiliaire de l’archevêque de Tolède, puis également vicaire général du même archidiocèse. C’est en sa qualité d’évêque auxiliaire qu’il participa aux sessions du Concile Vatican II, où il fut nommé par Paul VI membre de la Commission théologique doctrinale. Nommé évêque de Palencia, en 1970, il mourut dans cette ville en 1978, après une brève maladie. Spécialiste en ecclésiologie, après vingt-sept ans d’enseignement au séminaire de Tolède, il émit des réserves sur le texte du schéma sur l’œcuménisme, lors de la soixante-quatorzième assemblée générale du 25 novembre 1963 [12], prenant d’ailleurs la parole juste après Mgr Canestri.
17. Mgr Granados Garcia dénonce surtout l’insuffisance du chapitre I du texte du schéma, spécialement en son numéro 1 qui est censé traiter de l’unité de l’Eglise. La manière dont cette unité est décrite plutôt que correctement définie lui semble trop ambiguë. Pour dissiper cette ambiguïté, le prélat propose d’établir clairement quelques principes et de s’y tenir.
18. Il faut distinguer soigneusement entre l’unité et l’unicité. L’unicité est la conséquence à la fois de l’unité et de la catholicité. L’Eglise est unique au sens où, étant une, elle doit étendre son unité à toutes les nations du monde entier et de toutes les époques. Tel est l’enseignement donné par Léon XIII dans l’Encyclique Satis cognitum : « La mission de l’Église est donc de répandre au loin parmi les hommes et d’étendre à tous les âges le salut opéré par Jésus-Christ, et tous les bienfaits qui en découlent. C’est pourquoi, d’après la volonté de son Fondateur, il est nécessaire qu’elle soit unique dans toute l’étendue du monde, dans toute la durée des temps. Pour qu’elle pût avoir une unité plus grande, il faudrait sortir des limites de la terre et imaginer un genre humain nouveau et inconnu ».
19. L’homme prend part à cette unité de l’Eglise lorsqu’il est incorporé au Christ, source de la vie de la grâce, et aux autres membres du Corps mystique par le baptême. Cette unité sanctifie ceux qui en font partie et le principe en est l’Esprit Saint, unissant et vivifiant à la fois. Mais de par la volonté du Christ, l’Eglise est aussi une société visible parfaite et son unité est celle d’une vraie société. Elle résulte de l’action d’une hiérarchie, dont l’autorité se fonde sur la mission départie par le Christ, avec le triple pouvoir d’enseigner, de gouverner et de sanctifier, qui réalise la triple unité de foi, de gouvernement et de sacrements. Cette hiérarchie, qui est le principe visible de l’unité visible de l’Eglise, trouve elle-même son principe dans l’autorité suprême de saint Pierre et de ses successeurs. Et le Saint Esprit l’utilise comme son propre instrument pour unifier et vivifier, à l’exclusion des autres communautés qui ne reconnaissent pas l’autorité suprême des successeurs de saint Pierre.
– IV –
Le schéma sur l’oecuménisme repose sur
une fausse conception des moyens de salut
19. L’expression la plus problématique est celle qui figure au numéro 2 du schéma, dans le chapitre I. Le mérite revient à Mgr Luigi Carli (1914-1986) d’en avoir dénoncé toute la nocivité. Né en Italie, dans la province de Ferrare, Luigi Carli étudie au séminaire diocésain de Comacchio, puis à celui de Bologne et enfin au séminaire pontifical Pio. Après avoir terminé ses études de théologie, il obtient une licence en utroque jure à l’Université pontificale du Latran. Ordonné prêtre en 1937, il occupe dans son diocèse les fonctions de recteur du séminaire, d’archidiacre de la cathédrale et de vicaire général. Le Pape Pie XII le nomma évêque de Segni en 1957. C’est en cette qualité qu’il prit part à chacune des quatre sessions du Concile Vatican II, où il intervint à quatorze reprises. Il fut l’un des adhérents du Coetus Internationalis Patrum. En 1973, Paul VI le nomma archevêque de Gaeta, où il resta en fonction jusqu’à sa mort, survenue le 14 avril 1986.
20. Lors de la soixante-neuvième assemblée générale du 18 novembre 1963, Mgr Carli proposa deux corrections absolument capitales sur le texte du schéma [13].
21. La première concerne l’expression la plus fautive et qui demeurera comme une pierre d’achoppement dans le texte définitif du décret Unitatis redintegratio [14]. Il est dit en effet que « l’Esprit du Christ ne refuse pas de se servir de ces communautés séparées comme de moyens de salut, dont la vertu dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Église catholique ». Mgr Carli demande que l’on corrige en utilisant cette autre expression : « l’Esprit du Christ ne refuse pas de se servir des moyens de salut qui se trouvent encore dans ces communautés séparées, comme la propriété divine de l’unique Epouse du Christ, dont la vertu, etc ». Voilà qui rejoint très exactement les réflexions de Mgr Garcia y Goldaraz et celles de Mgr Canestri, évoquées plus haut.
22. La deuxième correction concerne une omission : l’on doit affirmer d’une façon claire et explicite que les frères séparés ne peuvent bénéficier de certains dons de Dieu que s’ils sont de bonne foi et dans la mesure exacte où ils le sont.
23. Tout cela se tient : les moyens de salut peuvent demeurer en dehors de l’Eglise ; les âmes peuvent en retirer le bénéfice si elles sont dans l’ignorance invincible ; les communautés séparées dont font partie ces bonnes âmes ne sont en tant que telles nullement porteuses du salut mais y mettent plutôt un obstacle.
– V –
Des évêques parlent
24. Le refus persévérant de ce texte du Concile n’obéit pas à ce qui serait l’opinion particulière des disciples de Mgr Lefebvre ou la sensibilité spécifique des nostalgiques de la scolastique antéconciliaire. Ce refus se base sur des raisons profondes, qui sont les raisons que le Magistère de l’Eglise a toujours fait valoir pour exposer la doctrine révélée par Dieu, comme en témoignent ces interventions des évêques, au moment même du Concile. Quoi qu’en disent les novateurs modernistes, aujourd’hui en possession de l’autorité, celles-ci représentent l’argument incontestable et crédible de la Tradition de l’Eglise.
Abbé Jean-Michel Gleize
[1] Voir l’article de l’abbé de Lacoste, « De multiples contradictions » dans le présent numéro du Courrier de Rome.
[2] Disponible aux Editions Iris : https://editionsiris.com/products/j-accuse-le-concile
[3] Cf. l’étude de Philippe Roy-Lysencourt, Les Membres du Coetus Internationalis Patrum au concile Vatican II. Inventaire des interventions et souscriptions des adhérents et sympathisants. Liste des signataires d’occasion et des théologiens, Maurits Sabbe Library, Faculty of Theology and Religious Studies, Peeters, 2014, p. 441. L’archevêque de Valladolid signa le texte d’observations sur le schéma De divina revelatione, envoyées au Secrétariat du Concile pendant la troisième session ; un Postulatum adressé aux modérateurs en date du 18 septembre 1965 ; une deuxième pétition demandant la condamnation du communisme lors de la quatrième session.
[4] Acta, vol. II, pars. VI, p. 106-107.
[5] Acta, vol. III, pars II, p. 688-689.
[6] Notamment dans son livre Entretiens sur la foi dont la traduction française parut en 1984.
[7] Acta, vol. II, pars VI, p. 35-36.
[8] « Apud fratres separatos » : la précision revendiquée par Mgr Canestri est certes indiquée dans la suite du texte du schéma, mais, là où elle figure, la portée s’en trouve affaiblie en raison de son absence dans le passage précédent, passage où elle aurait pris tout son sens.
[9] Cf. Louis Billot, L’Eglise. II – La Constitution divine de l’Eglise catholique, question 9, thèse 15, Courrier de Rome, 2011, n° 512-513, p. 129-130 et n° 516, p. 132-133.
[10] Pie XI, dans l’Encyclique Lux veritatis de 1931 et Léon XIII dans la Lettre Longinqua Oceani de 1895, ainsi que dans l’Encyclique Caritatis studium de 1898, parlent de toute évidence des individus non des sociétés.
[11] Il s’agit du schéma qui aboutira avec le Décret Inter mirifica, ou De instrumentis communicationis socialis.
[12] Acta, vol. II, pars V I, p. 37-39.
[13] Acta, vol. II, pars V, p. 450, amendement n° 45 ; p. 460, amendement n° 128.
[14] Voir l’article de l’abbé de Lacoste, « De multiples contradictions » dans le présent numéro du Courrier de Rome.