Evoquer la pensée religieuse de Napoléon, c’est pénétrer dans un terrain miné, c’est évoquer une pensée ondoyante, marquée par les contingences politiques d’ici-bas. Il est bien difficile de se faire une idée précise de la foi de Napoléon, suite de sinuosités, de calculs, de pistes brouillées.
« Napoléon croyait-il en Dieu ? La question sans cesse posée n’a pas encore reçu de réponse ». Ainsi s’exprime Jean Tulard au début de la préface qu’il a accordée à l’ouvrage récent de Philippe Bornet. Marqué par une enfance catholique, Napoléon perd la foi à 13 ans mais ilcontinue à croire à un Être suprême. On le retrouve déiste et, face à un catholicisme qui ne veut pas s’éteindre, il établit un Concordat entre l’Eglise catholique et l’Etat, mélange de calcul politique et d’attachement à la religion de ses pères. Mais ce concordat s’inscrit dans un contexte de domination politique de l’Eglise et s’accompagne des Articles organiques qui plongent le pape dans une profonde amertume.
Le consul qui se fera couronner empereur en présence de Pie VII se transformeraquelques années plus tard en ennemi et en geôlier du pontife romain, avant de mourir quelques années plus tard dans la religion catholique, selon les propres termes de son testament.
Ce parcours complexe peut laisser sans réponse la question de sa croyance et de son appartenance à l’Eglise catholique. Aujourd’hui encore, il est toujours difficile de dissiper les ambiguïtés et l’unanimité est loin d’être de mise. Le professeur Tulard souligne les confidences souvent contradictoires de Napoléon exilé à Sainte-Hélène et dit être sans réponse précise. Philippe Bornet, au terme de l’Avertissement mis en exergue de son ouvrage, écrit : « Napoléon était-il athée ? Était-il chrétien ? Était-il un bon chrétien ? On peut répondre par la négative aux première et troisième question. Pour la seconde, la réponse reste délicate ».
Essayons de suivre les aléas d’une pensée fluctuante.