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En réponse à la fraternité Saint Pierre

Publié le 10/10/2024 sur internet

Publié dans le N°679 de la publication papier du Courrier de Rome

1. « Peut-on être sédévacantiste sans le dire ? »

Tel est l’intitulé de l’article publié par Monsieur l’abbé Hilaire Vernier, sur la page du 5 mai dernier du site Claves de la Fraternité Saint-Pierre.

L’auteur de cette prose indique en ces termes son intention :

« L’article qui suit se veut une réponse aux articles « Et schismatiques et hérétiques ? » et « Tradovacantisme ? », publiés par l’abbé Jean-Michel Gleize (Courrier de Rome n° 674 d’avril 2024, relayé sur laportelatine.org), théologien de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX), en réaction à nos deux articles publiés sur Claves.org en juillet 2023, intitulés « Une Église sans pape ? » ».

2. Voici donc notre « réponse à la réponse ».

Le présent numéro du Courrier de Rome entend répondre à l’article cité plus haut.

Nous réservons à de prochains numéros l’opportunité de répondre aux deux autres articles : « Peut-on être prudentiellement ecclésiovacantiste », (1/2) et (2/2) » par lesquels Monsieur l’abbé Vernier entend développer jusqu’au bout sa réponse.


– 1 –

Un faux dilemme

Le point central du débat tiendrait, selon lui, dans cette question :

« Peut-on se soustraire habituellement au pouvoir de juridiction de l’Église (détenu en propre par le Pape et principalement par les évêques diocésains unis à lui) et se l’octroyer au motif d’une crise provoquée par la hiérarchie ecclésiastique ? »

De là suivrait le dilemme :

  • Si la réponse est oui, la Fraternité Saint-Pie X (FSSPX) se met en contradiction, sur le plan des principes dogmatiques censés commander sa prudence, avec les données révélées de l’ecclésiologie catholique.
  • Si la réponse est non, les décisions de sa prudence sont en contradiction avec ses propres principes dogmatiques.

Un tel dilemme ne peut s’autoriser que d’une question mal posée et c’est pourquoi les orientations suivies par la prudence de la FSSPX, si on les examine pour ce qu’elles sont vraiment, et en posant la question comme il convient, y échappent sans difficulté.

Il est possible de le vérifier à travers les quatre points suivants.

1. La FSSPX ne se soustrait pas au pouvoir de juridiction

Premièrement, la FSSPX n’entend pas se soustraire, dans le principe, au pouvoir même de juridiction ecclésiastique.

Son attitude se situe non vis-à-vis de ce pouvoir pris comme tel, mais vis-à-vis de ceux de ses actes qui ne sauraient réclamer l’obéissance, du fait même qu’ils sont incompatibles avec l’obéissance due à d’autres actes préceptifs émanés de ce même pouvoir de juridiction ecclésiastique, dans son exercice antérieur aux réformes conciliaires et postconciliaires.

« Nous ne récusons pas l’autorité du Pape, mais ce qu’il fait. »

En citant ce propos de Mgr Lefebvre, nous aurions voulu éviter à Monsieur l’abbé Vernier de commettre une méprise trop souvent répandue.

2. Une réaction et non une orientation ordinaire

Deuxièmement, cette orientation de la FSSPX, même si elle reste fréquente, n’est pas habituelle ou ordinaire, dans son intention – si l’on entend par là une orientation qui lui serait dictée par des principes.

Pareille orientation lui est dictée par l’attitude des hommes d’Église depuis Vatican II et elle doit se définir comme une réaction :

« Ce qui pose problème, ce n’est pas la Fraternité Saint-Pie X, c’est la Rome actuelle, la Rome de tendance néo-protestante et néo-moderniste, comme aimait à dire Son Excellence Mgr Marcel Lefebvre, dans un langage rien moins qu’alambiqué. C’est la Rome actuelle qui pose aujourd’hui problème, du fait même qu’à Rome les membres actuels de la hiérarchie, le Pape et les évêques, ont adopté cette tendance nouvelle, protestantisante et modernisante, rompant par le fait même avec la Rome éternelle. Et ce à l’occasion du concile Vatican II. »

La FSSPX ne se « soustrait » pas au pouvoir de juridiction divinement institué par le Christ.

Elle entend seulement se préserver et préserver les âmes de l’abus qui en est fait par les hommes d’Église qui, depuis le dernier Concile, détournent trop souvent de sa fin l’exercice de ce pouvoir.

3. La juridiction de suppléance

Troisièmement, la FSSPX ne s’octroie pas un pouvoir qui ne lui appartient pas.

Elle en exerce seulement les actes nécessaires au bien des âmes, dans l’Église, en raison d’un état de nécessité généralisé.

Tel est le principe de ce que l’on a voulu appeler la « juridiction de suppléance », principe qui, loin d’avoir été inventé par Mgr Lefebvre pour les besoins de sa propre cause, est inscrit depuis longtemps dans la lettre du droit de l’Église.

Le droit canonique prévoit en effet des cas où l’Église supplée au défaut de juridiction du prêtre :

« La raison pour laquelle l’Église supplée la juridiction n’est pas un bien privé mais le bonum animarum commune », dit le Père Cappello dans sa Summa juris canonici de 1961.

Tout dépend donc de la réalité d’un état de nécessité et de la gravité de la nocivité des réformes conciliaires.

On peut certes nier celle-ci et celui-là.

Mais même si on les nie, on ne saurait imputer à la FSSPX l’intention de s’octroyer, en lieu et place de la hiérarchie légitime, un pouvoir qu’elle ne possède pas.

4. La vertu d’obéissance dans ses justes limites

Quatrièmement, enfin, la FSSPX entend ainsi exercer la vertu d’obéissance telle qu’elle doit demeurer dans ses justes limites :

L’objet formel de l’obéissance est en effet le précepte émané de l’autorité, pour autant que celui-ci soit moralement légitime.

« Il n’y a personne qui soit attaché à l’obéissance au Magistère du Pape, des conciles et des évêques comme nous. Nous sommes, nous, les plus attachés de l’Église, je pense, je l’espère, et nous voulons l’être, à l’obéissance au Magistère des Papes, des conciles et des évêques. Et c’est parce que nous sommes attachés à ce Magistère justement, que nous ne pouvons pas accepter un magistère qui n’est pas fidèle au Magistère de toujours. »

Ainsi s’exprimait Mgr Lefebvre dans une Conférence spirituelle donnée à Écône, le 10 avril 1981 :

« Il n’y a personne qui soit attaché à l’obéissance au Magistère du Pape, des conciles et des évêques comme nous. Nous sommes, nous, les plus attachés de l’Église, je pense, je l’espère, et nous voulons l’être, à l’obéissance au Magistère des Papes, des conciles et des évêques.

Et c’est parce que nous sommes attachés à ce Magistère justement, que nous ne pouvons pas accepter un magistère qui n’est pas fidèle au Magistère de toujours. »

2 – Une attitude parfaitement justifiée

8. L’attitude de la FSSPX repose donc à la fois sur un principe dogmatico-canonique et sur une appréciation des circonstances présentes : les conclusions pratiques auxquelles elle se tient sont de la sorte le résultat logique du raisonnement de la prudence.

Le principe dogmatico-canonique — qui reste nécessaire, c’est-à-dire vrai toujours et partout — est celui de l’institution divine du pouvoir de juridiction dans l’Église, et tel que l’exercice en est réglé par le droit canonique. Celui-ci prévoit les circonstances d’exception où le bien des âmes en réclame les actes, nonobstant l’absence du pouvoir chez celui qui les pose.

Les circonstances présentes — contingentes comme toutes circonstances, et qui ne sont jamais exactement les mêmes, hier, aujourd’hui et demain — sont celles de l’état de nécessité.

La prudence surnaturelle telle que la met en œuvre la FSSPX n’a donc ici rien de contraire aux données divinement révélées – à moins de prétendre que la prudence surnaturelle ne soit pas seulement réglée et dirigée mais « spécifiée ultimement » par la foi.

À confondre ainsi les objets formels, on en viendrait à soutenir que les conclusions pratico-pratiques de l’agir dans l’Église sont révélées par Dieu, tout autant que les articles du Credo… et déterminées une fois pour toutes par les canons du Droit de l’Église.

Mais force nous est de constater que la contingence prend tout de même place à l’intérieur de l’ordre surnaturel, à telle enseigne que le Droit canonique prévoit les situations d’exception, avec les mesures proportionnées qu’elles exigent, en l’occurrence celle d’un état de nécessité.

9. Monsieur l’abbé Vernier écrit encore, par manière de synthèse :

« La position de la FSSPX ne relève pas seulement d’une compréhension contestable de l’obéissance, même prudente, en temps de crise, mais bien d’une soustraction habituelle à la juridiction confiée par le Christ à la hiérarchie de son Église. »

Il manque ici trois distinctions importantes :

  1. Distinction entre une « soustraction » de principe ou de fait.
  2. Distinction entre une « soustraction » vis-à-vis du pouvoir de juridiction ou vis-à-vis de tels de ses actes.
  3. Distinction entre une « soustraction habituelle » extraordinaire ou occasionnée par des circonstances, ou ordinaire et accomplie en raison même de la nature de la FSSPX ou de l’Église.

La FSSPX ne se soustrait pas par principe vis-à-vis du pouvoir de juridiction dans l’Église, de manière habituelle en raison de sa nature propre.

La FSSPX est bien obligée de se soustraire à ceux des actes du pouvoir de juridiction qui mettent en péril la foi et les mœurs, de manière habituelle dans le contexte circonstancié de l’après-Vatican II.

Abbé Jean-Michel Gleize